Décidément, il pourrait devenir risqué de parier sur l’avenir de l’A400M à entendre les propos des différents acteurs impliqués (chacun, d’ailleurs, faisant la sourde oreille aux arguments de ses partenaires dans un ballet de communications qui ne constituera pas, à l’évidence, la solution au problème).
En l’état actuel des choses, une certitude existe : personne veut payer. Classique…Oui mais voilà: dans ce dossier, une chose essentielle est de ne pas avoir la mémoire courte. Dernièrement, plusieurs sorties remarquées des industriels et des Etats clients (notamment la France et l’Allemagne) ont visé à reporter sur l’autre la responsabilité des déboires rencontrés par le programme de transporteur militaire. On peut, certes, comprendre les arguments avancés par les pouvoirs publics. Du côté français, on se dit déterminé à ne pas abandonner le programme mais (et ce “mais” n’indique pas pour autant qu’il s’agisse d’une condition posée!) on se refuse à envisager une prise en charge complète des coûts supplémentaires du programme. Du côté allemand, la posture a le mérite – ou l’inconvénient, c’est selon – d’être encore plus nette : on ne rallonge pas un euro de plus ! Sous-entendu : ce n’est pas au contribuable à payer pour les erreurs de l’industriel. Voilà qui est fort justement intéressant ! Comme dans nombre de programmes militaires de haute capacité technologique, il est très rare que les déboires puissent être imputés à un seul protagoniste. Certes, l’erreur d’EADS aura très certainement été de promettre la construction d’un transporteur militaire sur la base d’une logique de développement d’un transporteur civil. Du côté des Etats clients, l’erreur aura sans doute été de penser qu’une telle prouesse industrielle puisse être réalisée (preuve d’un manque de considération de toutes les spécificités des projets technologiques militaires chez certains des responsables de l’époque). A dire vrai, les Etats clients étaient à l’époque relativement pressés de faire passer le projet A400M dans le cahier des charges de l’OCCAR, qui recevait de la sorte son premier véritable programme majeur postérieur à sa fondation! Un ficelage rapide du contrat initial qui affecte aujourd’hui la survie même du projet pour lequel il était bâti.
Alors, bien sûr, on peut polémiquer sur les chiffres. On peut tergiverser sur les retards accumulés (mais quel programme de cette envergure n’a pas de retard?) et sur ceux qui viendront s’ajouter au calendrier. Ceux qui se plaisent, aujourd’hui, à jouer avec le “sort” à réserver au projet ne doivent pas oublier que tout abandon de l’A400M comportera des incidences qui iront bien au-delà de la dimension industrielle. Cette perspective, si elle devait se confirmer, altérerait l’un des fondements mêmes de la politique de sécurité et de défense commune : l’indépendance et l’autonomie d’action que les Etats européens parviennent progressivement – mais assurément! – à établir.