mardi 22 décembre 2009

Drone d’histoire !

Petit coup de tonnerre dans la communauté de la défense et des affaires stratégiques en date du 4 décembre dernier : l’U.S. Air Force confirmait officiellement les rumeurs selon lesquelles les forces armées américaines mettaient en oeuvre un nouveau prototype de drone en Afghanistan. Désigné RQ-170 Sentinel, cet appareil ne représente pas une rupture stratégique majeur... pour l’heure. Nénamoins, la confirmation selon laquelle l’U.S. Air Force poursuit bel et bien ses efforts de développement d’un nouveau système aérien inhabité génère de nouvelles hypothèses sur la stratégie américaine des moyens dans le secteur des plate-formes autonomes.

C’est le site Ares (Aviation Week [1]) qui, en ébruitant l’affaire, semble avoir contraint le Département américain de la Défense (DoD) à faire une sortie pour le moins inhabituelle sur le sujet. En dévoilant, le 4 décembre dernier, l’existence d’un nouveau drone de reconnaissance et de surveillance, le RQ-170 Sentinel, dans les cieux de l’Afghanistan (dans la région de Kandahar, plus précisément), le DoD a été amené à communiquer sur le dernier né des bureaux Skunk Works, unité en charge des projets « noirs » de Lockheed Martin[2].

De cette annonce, une controverse est née qui porte, indifféremment, sur les sous-systèmes embarqués par la plate-forme, sur les missions réelles qui viendraient à être confiées à terme à l’appareil ou, encore, sur les performances du dispositif en matières de furtivité, de charge utile, de rayon d’action et d’autonomie. Tâchons, dès à présent, de nous pencher sur les hypothèses que nous suggèrent l’existence et le dévoilement de ce projet.

Reconnaissance, combat ou bluff ?

Hypothèse numéro 1 : les forces armées des Etats-Unis poursuivent le développement d’un appareil aérien autonome chargé d’assurer la succession des systèmes de reconnaissance et de surveillance actuellement en service (pilotés et non-pilotés). Depuis plusieurs années, en effet, les forces U.S. investissent dans la mise au point d’un senseur aérien high-tech (désigné Sensorcraft), appelé à intégrer en une seule et unique cellule l’ensemble des moyens existants d’imagerie, d’écoute et de reconnaissance. Le Sensorcraft a pour but d’accueillir une multiplicité de capteurs sophistiqués comprenant, entre autres, l’imagerie hyperspectrale ou encore des radars pour la détection de cibles sous couvert de végétation. Un article de la revue professionnelle C4ISR du mois d’août 2007 constatait que les bureaux Skunk Works semblaient avoir atteint le niveau le plus avancé de conception d’un tel prototype. Ceci en comparaison des efforts déployés par Boeing et Northrop Grumman sur ce même segment[3]. Devons-nous voir dans le RQ-170 Sentinel une première ébauche de ce système ? Probable.

Hypothèse numéro 2 : l’existence du RQ-170 prouve que les Etats-Unis poursuivent leurs efforts en vue du développement d’un système de combat aérien autonome ; l’allure du RQ-170 laissant, a priori, supposer la possibilité d’un emport de munitions en soutes. Le fait que l’appareil photographié soit, pour l’heure, limité à des vols de reconnaissance et de surveillance, ne préjuge en rien des évolutions futures possibles d’un tel prototype qui tendraient, dès lors, vers le développement de drones de combat. Par le passé, l’U.S. Air Force, l’U.S. Navy et la DARPA (Defense Advanced Research Project Agency) avaient conduit un programme conjoint de démonstrateur technologique de drone/senseur de combat, dénommé J-UCAS (pour Joint Unmanned Combat Aerial System). Né de la fusion de deux projets démarrés sur fonds propres par les industriels Boeing (X-45) et Northrop Grumman (X-47), le J-UCAS réunissait l’USAF et l’USN autour d’un programme de développement commun, destiné à tester la faisabilité et l’utilité d’une architecture réseaucentrée de combat dans laquelle les cellules aériennes autonomes étaient appelées à constituer les chevilles ouvrières.

En février 2006, le DoD choisit de mettre un terme au programme J-UCAS afin de le réorienter vers un projet de recherche destiné à concevoir un futur bombardier à long rayon d’action. Au vrai, les véritables raisons de l’abandon du programme étaient à trouver ailleurs. Parmi elles, on pouvait citer les rivalités interservices quant aux spécifications techniques des prototypes, l’absence d’une vision commune de développement entre les services ou encore l’extension immodérée des besoins formulés par l’USAF et l’USN à l’endroit des systèmes. Avec comme corolaire, des dépassements de délais et de coûts laissant craindre que la mise en œuvre de tels drones ne présente aucun avantage comparatif par rapport aux plates-formes de combat pilotées de nouvelle génération (F-22 et F-35).

Pour autant, l’abandon du J-UCAS n’a pas mis fin au développement des sous-systèmes technologiques dont il a accouché. Aussi, dans le courant 2007, l’U.S. Navy a-t’elle confirmé son intention de relancer en propre le défunt projet dans le cadre du programme UCAS-N en visant, notamment, la conception d’un système aérien autonome pouvant opérer depuis ses porte-avions.

Le RQ-170 Sentinel est, pour sa part, développé par Lockheed Martin. Au travers de ce nouveau système aérien autonome, Lockheed Martin pourrait réitérer sa tentative de reprendre la main face à ses concurrents que sont Boeing et Northrop Grumman.

Hypothèse numéro 3 : le dévoilement du RQ-170 se situe au cœur d’une vaste opération de communication et de guerre psychologique principalement à l’adresse de l’Iran voisin. Cette hypothèse est loin d’être négligeable et s’appuie sur des précédents. Il faut ici rappeler que l’exemplaire du RQ-170, surpris à son décollage, a été photographié à… l’aéroport international de Kandahar ! Chacun en conviendra : il est des lieux bien plus appropriés pour conserver des projets de systèmes d’armes dans l’anonymat. Le RQ-170 aurait-il donc été volontairement exposé par les forces armées des Etats-Unis ? Le dévoilement du projet est-il destiné à faire pression sur le régime iranien ou sur tout autre compétiteur potentiel ? Rien ne doit être exclu.

Evolution ou rupture ?

À l’évidence, l’existence officielle du RQ-170 Sentinel nous confirme la volonté affichée par les Etats-Unis de poursuivre le développement d’une forme de combat désengagé (ou sans engagement), quoi que peuvent laisser supposer les dernières décisions de l’Administration Obama. Notons que la revue de posture globale (RPG) des Etats-Unis, adoptée en 2004 sous la Présidence Bush, n’a pas été désavouée par l’actuelle Administration. La RPG peut raisonnablement laisser supposer que la conception de senseurs de combat autonomes avec un niveau de prise de risque humain minimal s’avère essentiel pour compenser la contraction graduelle des bases militaires déployées outre-mer.

Le dévoilement (intentionnel ?) du programme RQ-170 ne doit cependant point nous distraire de la réalité des développements des systèmes d’UAV et d’UCAV aux Etats-Unis. Bien que la prise de risque, caractéristique de la culture technologique américaine, ait pu aboutir à un certain nombre de ruptures techniques en ces domaines, l’histoire du développement des drones aux Etats-Unis est également parsemée d’échecs. Nombre de programmes ont, en effet, subi les effets d’un manque de rigueur dans la définition des besoins et des spécifications par les services. En d’autres termes, la reconnaissance officielle du RQ-170 confirme davantage un certain nombre de tendances connues qu’elle ne nous informe sur des radicalisations technologiques nouvelles.

[1] http://www.aviationweek.com/aw/blogs/defense/index.jsp.

[2] David A. Fulghum, « USAF Confirms Stealthy UAV Operations », Aviation Week, December 4, 2009, cf. http://www.aviationweek.com/aw/generic/story_generic.jsp?channel=defense&id=news/BEAST120409.xml&headline=USAF%20Confirms%20Stealthy%20UAV%20Operations ;

[3] Paul Richfield, « Lokking Ahead », C4ISR : The Journal of Net-Centric Warfare, Defense News Media Group, volume 6, numéro 7, p. 20.

mardi 24 novembre 2009

Oops! he did it...


"Touche pas à ça..." Vous connaissez la suite de cette célèbre réplique de la "Septième compagnie".

Vous verrez qu'à la lecture de ce récit vous n'êtes sans doute pas les seuls :-)

http://www.dailymail.co.uk/news/worldnews/article-1224494/Oops-Civilian-joyride-fighter-jet-pulls-ejection-switch-mistake-lands-scratch.html#ixzz0Voq4q6XP

Premiers tests moteurs pour l'A-400M



Enfin une bonne nouvelle dans ce qui constitue, depuis quelques mois, la saga A-400M.

Airbus Military a procédé aux premiers tests moteurs du transporteur stratégique. Attention, il ne s'agissait pas de réaliser un vol mais de procéder à des essais de type "dry-cranking" et "wet-cranking". En d'autres termes, les essais consistaient, dans un premier temps, à procéder à une mise en route des moteurs sans recours au kerozène mais en générant leur fonctionnant par énergie électrique. Ce n'est que dans un second temps que les moteurs furent testés avec alimentation de kerozène.

On s'en doute, le succès de ces essais moteurs aura certainement permis aux équipes d'Airbus Military de pousser un petit "ouf" de soulagement. Petit car, même si cette étape - ô combien essentielle - représente un préalable majeur à la poursuite des expérimentations, du chemin reste à parcourir avant de pouvoir envisager la mise en oeuvre opérationnelle de l'appareil. Il reste que cette nouvelle ne saurait effacer le revers subi par EADS de la décision prise par l'Afrique du Sud de renoncer à l"acquisition de l'appareil.

Très sévèrement critiqué ces derniers mois pour les retards accumulés (près de quatre années!!!) par le programme (d'une valeur de 20 milliards d'euros), EADS vient de répondre aux reproches qui lui ont été formulés. La Direction d'EADS table, par ailleurs, sur le premier vol de l'appareil avant la fin de l'année 2009. Bien qu'il est compréhensible que certains Etats acquéreurs aient demandé un geste financier de la part d'EADS (dont le chiffre d'affaire a tout de même connu une perte de 87 millions d'euros au troisième trimestre 2009), il serait un peu excessif de crier au scandale sur les retards du programme. D'une manière générale, des programmes technologiques militaires de cette ampleur sont plus enclins que d'autres à être victimes de reports. La crise financière et économique a sans doute aussi poussé certaines capitales à espérer quelques réductions opportunes d'engagement budgétaire sur le programme... C'est de bonne guerre.

Allez, un premier vol d'essai pour la Noël, j'y crois... et vous?

lundi 23 novembre 2009

Les Cahiers du RMES été/automne 2009 disponibles !

Avec un très certain retard (mea culpa), les Cahiers du RMES (été/automne 2009) sont enfin arrivés sur le site du RMES.

Venez vite les découvrir à l'adresse désormais connue : http://www.rmes.be

Bonne lecture !

Armée européenne: les risques d'une chimère


La sortie vient cette fois-ci du Ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini. Elle date du 16 novembre dernier. Dans une interview accordée à la RTBF, ce dernier remettait sur la place publique la proposition de création d'une armée européenne. Les arguments qu'il expose pour défendre la perception qu'il a d'un tel projet sont... désarmants tant ils frôlent, à dire vrai, le simplisme et la caricature. Avant de poursuivre, je tiens à faire une petite mise au point. Je suis un européen convaincu. Et c'est précisément cette conviction dans le projet européen qui m'incite à devoir dénoncer les chimères que quelques-uns se plaisent à véhiculer sur ce qui touche au projet de défense européenne. C'est au nom de cette conviction que je veux démontrer que le projet d'une armée européenne (tel que présenté)... déforce l'idéal européen. Affirmation abérrante? Voyons plutôt...

Reprenons, dans un premier temps, les arguments posés par le Ministre italien. Dans cet entretien, M. Frattini prétend que la création d'une armée européenne permettrait une meilleure coordination entre les pays membres dans le domaine militaire, notamment dans le cadre de l'opération en Afghanistan. "Si nous avions une armée européenne, affirme l'intéressé, l'Italie pourrait envoyer des avions, la France - des chars, la Grande-Bretagne - des blindés et ainsi nous parviendrons à une optimisation de nos ressources". Ma foi, c'est simple! Pourquoi n'y avions-nous pas pensé plus tôt? Quand est-ce que l'on commence?

Oui, mais voilà... une véritable armée ne repose pas sur un cocktail de moyens, basiquement additionnés. En exposant une vision aussi sommaire du projet d'une armée européenne, M. Frattini (mais il n'est pas le seul) trahit d'ailleurs une conception essentiellement quantitative - et donc quelque peu datée - de la stratégie. C'est d'ailleurs du manque d'une réelle vision stratégique que souffre, paradoxalement, une telle proposition. Le Professeur Coutau-Bégarie me pardonnera un tel raccourci mais il est utile de dire qu'une certaine approche de la stratégie implique précisément de faire correspondre les moyens à l'atteinte d'un but. Or, dans le cas de l'Europe de la défense, les moyens restent "désordonnés" et les "buts" exprimés le sont d'une manière pour le moins sibylline. Lorsque je parle, ici, des moyens, il ne s'agit pas d'évoquer la simple accumulation de ces derniers, mais bien de veiller à leur adéquation. Le mot "adéquation" est à considérer dans son acception éthymologique. Il s'agit de viser une "totalité", un "ensemble". A partir de cette acception, il est raisonnable de penser qu'un tel "ensemble adéquat" - ici, le projet d'armée - doit témoigner d'un fonctionnement coordonné dans son double principe d'existence et d'action.

Or, la "coordination" est bel et bien le noeud du problème européen, plus spécifiquement sur un sujet aussi sensible que la défense européenne. Le projet, tel que présenté, d'une armée européenne semble faire fi des variables qualitatives que sont les cultures stratégiques et techniques des pays européens. M. Frattini évoque, certes, l'objectif de coordination, mais omet d'en préciser les conditions de réalisation. L'argument culturel présente, il est vrai, des limites dans sa portée explicative des dissensus stratégiques européens. Il serait néanmoins, une grave erreur que de le déconsidérer en bloc. Je ne commettrai point l'insulte suprême de rappeler que les pays membres de l'Union européenne, restent caractérisés par des cultures stratégiques particulières. Ces cultures stratégiques, qu'on le veuille ou non, impactent, aujourd'hui encore, dans une certaine mesure, sur les choix en matière d'armement et de programmes d'acquisition. Affirmer qu'il suffit de cumuler les chars français, les blindés britanniques et les avions italiens pour optimiser les ressources est donc plus que réducteur.

Qualifier une armée d'"européenne" risquerait, par ailleurs, d'affecter les pays qui, extérieurs à l'UE, participent pourtant activement, dans la mesure de leurs moyens, aux opérations de l'Union. Nous avons, pour l'heure, des missions européennes sous bannière internationale ou, à l'inverse, des missions internationales avec des éléments européens, peu importe. Il reste que l'étiquette "européenne" risquerait fort d'altérer la visibilité des Etats qui, tout en n'étant point membres de l'UE, participent au succès de ses missions. Une armée européenne ne saurait s'inscrire dans une approche exclusive.

Autre élément à prendre à considération : la motivation réelle qui se situe derrière l'idée. Malheureusement, il est très rare que l'idéal-type d'une armée européenne soit évoqué dans un but... européen. Ce sont, le plus souvent, des considérations nationales d'ordre intérieur qui poussent les représentant de certains Etats membres à défendre le concept d'une armée européenne. Ce projet est donc rarement - voire jamais - envisagé à l'aune d'un objectif européen mais souvent mobilisé pour des raisons d'ordre interne par les Etats. Et c'est bien la perspective, erronée, d'économies budgétaires, qui se situe à la base des arguments des défenseurs d'un tel projet. Or, il est loin d'être acquis que la création d'une armée européenne - allez, admettons son existence juste pour l'exercice - puisse être facteur d'économies. L'interopérabilité des matériels, l'entraînement en commun des hommes, les impératifs de communication, la révision des calendriers de rotations nationales des moyens (oui, on oublie souvent cet aspect des choses!), supposeront plus que probablement des coûts fixes additionnels. Bref, le "retour sur investissement" ne risque pas d'être immédiat et ne collerait pas avec le calendrier des échéances électorales de nos décideurs politiques européens.

Si l'idéal-type d'une armée européenne peut - et doit - être un concept mobilisateur, il importe de ne pas oublier que la défense européenne exige avant tout des démarches pragmatiques, des logiques de construction qui prennent en considération les sensibilités les plus diverses. Bien sûr, des non-sens persistent. Et ils se révèlent extrêment douloureux lorsqu'ils peuvent entraîner des conséquences budgétaires ou, pire, affecter la sécurité des hommes sur le terrain. Il n'en reste pas moins que le fait de lancer à l'opinion publique l'idée d'une "armée européenne" comme on lance, dans le désespoir, son "va-tout" dans un jeu puisse substantiellement apporter une pierre solide à l'édifice de la défense européenne.

lundi 26 octobre 2009

The Iranian Nuclear Dilmma - Conférence de l'Institut Royal Supérieur de Défense le mercredi 18 novembre 2009


Le mercredi 18 novembre 2009, l'Institut Royal Supérieur de Défense aura le plaisir d'accueillir dans le cadre de son cycle de conférences du soir 2009 - 2010, Messieurs Emanuele Ottolenghi (Directeur du Transatlantic Institute) et Tom Sauer (Professeur à l'Université d'Anvers) pour venir débattre du dilemme nucléaire iranien.

La conférence se tiendra à partir de 17 heures au Centre de conférence de l'Ecole Royale Militaire (Campus Renaissance, entrée Rue Hobbema, 8 à 1000 Bruxelles) et sera suivie, aux environs de 18 heures, d'une séance de questions/réponses.

Pour toute information complémentaire ou inscription, prière d'adresser un courrier électronique via le formulaire que vous trouvez en suivant ce lien.

vendredi 23 octobre 2009

Un monde dénucléarisé est-il possible?

Il est pratiquement impossible de passer à côté du dossier principal qui occupe pour l’heure le débat stratégique international. Celui, plus exactement, qui consiste à nous interroger, depuis la déclaration faite par le Président Obama devant l’Assemblée générale des Nations Unis, sur le caractère souhaitable et réalisable d’un monde dénucléarisé. Alors? Faut-il être pour ou faut-il être contre?

Qu’on me permette en préambule de souligner que, posée dans les termes d’une disjonction exclusive, la question dont la portée existentielle n’échappe à personne, est – volontairement? – biaisée. En effet, “faut-il” réellement s’inscrire en soutien ou en opposition d’un monde nucléarisé? La thématique ne suppose-t-elle pas, par définition, une analyse toute en nuance dont la vertu serait précisément d’échapper aux radicalités de positionnement? Ajoutons, par ailleurs, que la dimension existentielle de la question (l’hypothèse, toujours probable, d’une destruction de l’humanité) a, depuis longtemps, été confisquée par les idéologies les plus diverses. Au point, comme le faisait d’ailleurs remarquer André Dumoulin dans une carte blanche parue voici quelques mois dans le quotidien Le Soir, de conduire à des incohérences, des non-sens.

N’étant pas un spécialiste de la question nucléaire proprement dite, je tâcherai en tout humilité de proposer quelques éléments de réflexion en rapport à ce débat.

Il me semble que les tenants d’un monde dénucléarisé – désignons les provisoirement “antinucélaires” – se trompent foncièrement de cible. A mon sens, la question n’est pas de savoir si un monde sans armes nucléaires est souhaitable (ou envisageable). Car, en vérité, la seule vraie question est de savoir si l’Humanité est en mesure de vivre en ne disposant plus des moyens qui lui permettent d’imaginer sa propre anhiliation ou, à tout le moins, l’annihilation complète de son adversaire, quel qu’il puisse être, au demeurant. La perspective proposée ici est radicalement différente de celle véhiculée par les anti et les pro-nucléaires. En effet, si l’arme nucléaire constitue, à l’heure actuelle, l’Arme de la destruction absolue par excellence, il n’est pas dit qu’elle puisse demeurer le seul et unique moyen, à l’avenir, de conduire à l’effacement de l’Humanité. Il est souvent dit que le nucléaire ne “se désinvente pas”. Sur le plan technique, cette affirmation est on ne peut plus fausse. C’est lorsque nous la portons au plan de la Technologie, c’est-à-dire au plan du discours sur la technique et des connaissances qui s’y rapportent, que cette affirmation prend, en effet, tout son sens. La Technologie qui permet, aujourd’hui, à l’Humanité d’envisager sa destruction la plus complète n’est pas en passe d’être abandonée. Mais cette Technologie ne sera pas seulement nucléaire. Sans doute, même, l’arme nucléaire consituera-t-elle, à l’échelle de l’Humanité entière (que je souhaite la plus longue possible), une paranthèse presque conjoncturelle.

Le combat mené pour la dénucléarisation du monde est un combat perdu parce qu’il constitue tout simplement un combat sans objet stable. Qu’on le veuille ou non, l’Humanité a pris goût à la perspective de sa propre dévastation et l’arme nucléaire ne représentera que l’un des nombreux moyens à venir que l’Homme développera en vue de l’accomplissement de cette fin théorique et absolue, par l’accroissement de ses connaissances. Je souhaiterais, ici-même, restituer une réflexion très éclairante posée par l’historien britannique Arnold J. Toynbee dans l’opuscule synthétique qui fut édité sur le thème “Guerre et civilisation”:

Dans une seule génération, affirme l’auteur, nous avons appris, par la souffrance, deux vérités fondamentales. La première est que la guerre est une institution toujours en vigueur dans notre société occidentale, la seconde, que dans les conditions techniques et sociales présentes, toute guerre dans le monde occidental ne peut être qu’une guerre d’extermination. Ces vérités se sont imposées à nous parce que nous avons vécu les guerres générales de 1914-1918 et de 1939-1945, mais ce que celles-ci ont de plus inquiétant, c’est qu’elles ne furent pas des calamités isolées ou sans précédent. Elles font partie d’une série, et, lorsque l’on considère cette dernière dans son ensemble, on s’aperçoit que ce n’est pas simplement une série, mais une progression. Dans l’histoire récente de l’Occident, les guerres se sont succédées avec un degré croissant d’intensité et dès aujourd’hui, il est manifeste que la guerre de 1939-1945 ne constitue pas le point culminant de ce mouvement ascendant. Si la série se poursuit, la progression sera indubitablement portée à des degrés toujours plus élevés, jusqu’à ce que ce processus d’intensification des horreurs de la guerre se termine un jour par l’auto-destruction de la société.”

Le discours de la dénucléarisation pose aussi quelques difficultés sur le plan technique. La miniaturisation des vecteurs et des charges a conduit à réduire le hiatus béant qui pouvait, un temps, exister entre, d’une part, les bombes conventionnelles et, d’autre part, les armes nucléaires (qui se différencient tout de même des premières par l’émission de radiations). Se pose, dès lors, la question suivante : à partir de quel seuil de destruction, un armement doit-il être banni? Une bombe conventionnelle caractérisée par un niveau de destruction se situant à la frontière du niveau de destruction d’une arme nucléaire doit-elle être considérée comme non-problématique parce qu’elle ne figure pas précisément dans le registre du nucléaire? Je ne prétends aucunement disposer de la réponse à cette question. Les débats qu’elle peut susciter se révèlent, toutefois, extraordinairement complexes! Et ils devront être posés.

Bien sûr, les défenseurs du principe de la préservation des armements nucléaires font reposer leurs arguments sur des bases non moins discutables. Certes, il semble, en apparence, que l’arme nucléaire ait contribué à établir une stabilité relative dans les rapports entre les puissances (et, plus spécifiquement, entre puissances nucléaires). Les quelques 64 années qui se sont écoulées depuis le premier essai atomique américain semblent confirmer, non seulement, que l’Humanité peut vivre avec la conscience de disposer de l’Arme absolue, mais, plus encore, qu’il serait de son intérêt de maintenir un armement dont la nature aurait le mérite de structurer les rapports internationaux entre les Etats. En d’autres termes, dans la période trouble que nous vivons depuis la fin de la guerre froide, la conscience de connaître le plafond de destruction que l’Humanité se refuserait de dépasser est, à certains égards, rassurant. Oui, mais voilà. Que représentent ces 64 années à l’échelle de l’Histoire de la guerre et de l’Humanité? Sommes-nous certains que la détention de l’arme nucléaire conduise réellement au développement, parmi les décideurs politiques d’un Etat nucléaire, des mêmes rationalités? Là aussi, toute tentative de réponse pose une série de conjectures qui se multiplient sous nos yeux.

Au final, la différence qui existe entre les anti et les pro-nucléaire peut-être résumée comme suit : tandis que les partisans du nucléaire fondent leurs arguments sur le monde tel qu’il a été, les anti-nucléaires fondent les leurs sur le monde tel qu’il devrait être. Quelle est, parmi ces deux postures, la plus dangereuse? A chacun de se forger son opinion.

Pour conclure ce billet, je rappelerais les propos pour le moins contrastés que tinrent, d’une part, Robert “Oppie” Oppenheimer et, d’autre part, Kenneth Bainbridge, tous deux physiciens du projet Manathan, lorsqu’explosa Trinity, la première bombe A de l’histoire de l’Humanité. Lorsqu’il assista à l’explosion, Oppie évoqua la citation du Bhagavad Gita : “Je suis Shiva, destructeur des mondes”. Kenneth Bainbridge, face au même “spectacle”, tint un langage certes moins poétique, mais tout aussi perspicace en déclarant à Oppenheimer : “Now we are all sons of bitches” (l’expression anglaise contrastera moins avec la hauteur à laquelle prétend s’élever ce billet :-). Les deux hommes, on le sait, finirent par s’engager résolument contre les essais et le développement des armes nucléaires. Ce qui n’est pas sans présenter quelques contradictions surprenantes quant on sait l’investissement considérable que consacrèrent les deux physiciens au développement de la Bombe !… Mais, le débat nucléaire d’hier et d’aujourd’hui n’est-il pas, justement, condamné à véhiculer les contradictions les plus étonantes?

mardi 20 octobre 2009

La tyrannie de la technique sur la pensée

Ce lundi 19 octobre, Martin van Creveld, professeur émérite de l'Université hébraïque de Jérusalem, expert de l'histoire de la guerre et auteur de nombreux ouvrages de référence en stratégie, nous a fait l'honneur de sa présence en tant qu'orateur de notre cycle de conférences du soir à l'Institut Royal Supérieur de Défense. A plus d'un titre, l'exposé qu'il a réalisé restera, sans nul doute, dans les annales de notre institut. L'éloquence et, à certaines occasions, la fougue de l'expert y ont très certainement contribué. C'est, par ailleurs, en de telles occasions que nous pouvons mesurer le différentiel, parfois extraordinaire, de perception des problèmes de sécurité selon que nous nous vivons et évoluons dans une zone en crise ou dans une région qui a bénéficié de plus de cinquante années de « paix relative » mais néanmoins concrète.

Sans remettre en cause l'expertise de celui qui figure parmi les penseurs les plus prolifiques et les plus écoutés des « Princes » dans le domaine de la stratégie, je ne peux m'empêcher de revenir sur quelques points de l'exposé qui, à mon sens, me paraissent problématiques, voire générateurs de quelque paradoxe.

Je constate que Martin van Creveld voit dans la Technique l'un des éléments stabilisateurs de l'environnement stratégique. Constat, me direz-vous, assez étonnant quant on sait la vergue avec laquelle l'orateur défend l'idée selon laquelle l'avenir de la guerre sera constitué de conflits de basse intensité (expression avec laquelle je me suis souvent senti mal à l'aise tant elle ne reflète qu'imparfaitement l'intensité des opérations qu'elle peut recouvrir). Plus précisément, Martin van Creveld voit dans l'arme nucléaire l'élément stabilisateur par excellence des relations internationales et stratégiques. Certes, on ne peut a priori nier ce qui constitue, à l'évidence (mais méfions nous d'un tel terme!), une des grandes leçons de l'Histoire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais là où je ne rejoindrai point l'orateur c'est lorsqu'il affirme que l'extension des détenteurs de l'arme nucléaire conduirait, de façon quasi-mécanique, à une extension du degré de paralysie stratégique de l'environnement international. Sur ce point, Martin van Creveld semble gravement déconsidérer le poids qu'exerce la représentation qu'une communauté de dirigeants peut se faire d'une telle force de frappe et qui ne réside pas forcément, comme semblait le laisser penser les propos de l'expert, en une logique de non-emploi. Surtout, le degré de « raffinement technique » de l'arme nucléaire impacte, forcément, sur la marge de manœuvre dont disposera l'Etat « possesseur » quant à la destination finale de l'arme (dissuasion ou première frappe). A cela, s'ajoute l'hypothèse, toujours théoriquement possible mais pratiquement improbable, de la décision gratuite... mais j'entends déjà la voix de mon ancien Professeur, Jean Barrea, me rappeler à mes cours passés sur les conditions et les possibilités offertes par l'arme absolue!

Martin van Creveld a, également, tenu des propos pour le moins radicaux sur l'avenir promis, selon lui, aux systèmes de force conventionnels. Chacun y a pris pour son grade... et son arme... mais avec le sourire. Là aussi, je ne peux totalement rejoindre les affirmations de l'orateur. Affirmer que systèmes d'armes terrestres, navals, aéronautiques confondus sont tous, sans exception, promis à un déclin inévitable est aller quelque peu vite en besogne. Dans son allocution, l'orateur affirmait qu'après avoir comparé l'évolution des principales forces aériennes des puissances militaires de la planètes, une tendance claire s'était, à ses yeux, dégagée : toutes les forces aériennes prises en considération avaient connu une réduction d'un tiers de leurs arsenaux aériens. Certes, on ne peut remettre en question la validité de cette analyse quantitative. Mais elle néglige justement la dimension qualitative. L'envergure des missions et l'évolution des doctrines d'emploi des systèmes d'armes aériens – puisque ce sont de ceux-là précisément dont il est question – ont connu des modifications substantielles. En d'autres termes, il me semble que l'on peut faire aujourd'hui mieux et plus avec moins. Par ailleurs, la réduction constatée de l'arsenal ne s'explique pas seulement par « l'inutilité » intrinsèque soudaine du système d'arme considéré mais aussi, peut-être et certainement, par la réduction des budgets de défense sur l'autel du partage des dividendes de la paix, de la répartition de la croissance (quand elle existe) ou de la recherche de l'équilibre budgétaire (quand il fait conjoncturellement défaut). L'analyse de l'orateur ne procède donc pas à une analyse rigoureuse des variables multiples à prendre en considération dans un tel examen.

Enfin, une dernière remarque qu'a soulevé, de façon très pertinente (comme toujours), mon confrère Thomas Renard, c'est la limite de la portée prédictive de l'observation faite par l'orateur sur la capacité de nos forces armées à venir à bout du terrorisme. Si, comme l'indique Martin van Creveld, on a aucun exemple d'armée régulière parvenue à vaincre un groupe terroriste (encore que cette affirmation devrait être mieux analysée), il n'existe pas plus de cas de figures attestant d'une victoire incontestable de groupes terroristes sur des armées ou forces régulières (même si, dans une certaine mesure, la défaite est souvent transformé par le mouvement terroriste en victoire au niveau du symbole).

Comme vous le constaterez, l'allocution de Martin van Creveld, a – c'est le moins que l'on puisse dire – suscité un débat nourri. Pour ma part, et bien que je ne partage pas les convictions et observations de l'orateur, force est de constater qu'il présente une immense qualité : celle de réussir à susciter dans son audience des passions constructives et des réactions qui nous empêchent, reconnaissons-le, de verser dans un régime de « pensée unique et molle ».

Merci donc Professeur !...

dimanche 18 octobre 2009

Le nouveau plan antimissile d’Obama ou… comment placer les Européens au pied du mur

image Dans l’édition du 5 février 2009 d’"Europe, Diplomatie & Défense”, les premiers mouvements de l’Administration Obama sur le délicat dossier de l’antimissile me poussaient à écrire ceci :

D’un excès de garantie de sécurité - essentiellement située dans le discours et, de ce fait, perturbatrice des équilibres stratégiques et des mécanismes de dissuasion nucléaire -,l’Europe passerait à un déficit d’assurance, notamment au niveau de son flanc Sud-Est. Cette conjecture placerait de facto les Européens de l’Alliance et les États membres de l’Union européenne au pied du mur et signifierait qu’il serait désormais de la responsabilité de l’Europe de concevoir son apport à une éventuelle protection antimissile mais surtout de se définir une vision stratégique nouvelle qui intègre cette donnée. Et ce dans un contexte marqué, si les experts le confirment dans les prochains jours, par l’accroissement du potentiel spatial iranien. Or, on sait la réticence des diplomaties nationales, tant au niveau de l’UE (une révision intégrale de la stratégie de sécurité européenne n’a pas su aboutir) que de l’OTAN (au niveau des discussions sur un hypothétique nouveau concept stratégique), à poser ces interrogations fondamentales ; un exercice qui reviendrait à ouvrir une boîte de Pando

Il semble que les dernières avancées des Etats-Unis sur la révision de l’architecture antimissile US et, surtout, les résultats qui semblent avoir été engrangés lors des récents pourparlers avec la Pologne et la République tchèque, tendent à confirmer que les Etats-Unis contraignent les Européens implicitement l’ensemble des Etats européens à se définir une posture sur la question de la défense antimissile.

Plus exactement, le nouveau plan de l’administration envisage l’installation d’une trentaine de batteries de missiles SM-3 en Pologne d’ici 2014 (avec un centre de commandement basé en République tchèque), comme le rappelle Nicolas Gros-Verheyde sur son blog. Nombre d’exprtes soulignent, cependant, que le SM-3 pourrait ne pas se révéler un vecteur optimal dans la mesure où il pourrait se révéler sensible aux leurres.

Mais qu’à cela ne tienne. Pour pallier aux insuffisances éventuelles des SM-3, l’Administration Obama pourrait compter – dans son approche “inclusive” du dossier – sur la participation des programmes européens en matière d’antimissile. Toutefois, si l’Europe dispose bel et bien du savoir-faire et de l’expertise technologique et industrielle en la matière (cf. les programmes ASTER, MEADS [en coopération avec l’US Army]), il reste aux Etats européens à sauter le pas en vue d’entamer une réflexion sur une défense antimissile parcellaire de territoire (même si cette réflexion existe d’ores et déjà au sein de l’OTAN).

Un débat à suivre de près…

samedi 17 octobre 2009

Contribuez au débat public sur les nanotechnologies sur Agoravox !

Le 15 octobre, le débat national sur les nanotechnologies sera lancé. Jusqu’au 24 février 2010, tous les citoyens pourront s’informer sur le sujet, débattre et échanger leurs arguments. Dès aujourd’hui, Agoravox est l’un des lieux où s’exprimer et prendre part à ce débat.
Les nanotechnologies, ces techniques qui permettent de créer des objets 500 000 fois plus petits qu’un cheveu, ne font pas consensus. Leurs applications, avec toutes les perspectives qu’elles ouvrent - dans les champs de la santé, de l’électronique et de l’environnement notamment - ne sont pas exemptes de risques potentiels.
C’est pourquoi, conformément aux engagements du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a sollicité la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) pour mettre en place le débat. Son organisation a été confiée à une Commission Particulière du Débat Public (CPDP), présidée par Jean Bergougnoux.
Sur un plan plus pratique, ce débat public se tiendra du 15 octobre 2009 au 24 février 2010 :
- dans 17 villes de France lors de réunions publiques gratuites et ouvertes à tous (liste des dates, des lieux et des thématiques : http://www.debatpublic-nano.org/participer/reunions_publiques.html )
- en continu sur le site web de la CPDP, où il sera possible de questions et de proposer ses contributions dès le 15 octobre : http://www.debatpublic-nano.org/index.html
Mais au-delà de ces deux possibilités pour débattre, Agoravox se propose d’être un espace pour :
- couvrir les réunions publiques qui se dérouleront près de chez vous
- faire connaître votre avis et vos arguments
Pour ceux qui ont un blog ou autre espace d’expression sur le web, n’hésitez pas à y animer ou à y relayer cet événement citoyen, comme cela a déjà été fait par de nombreux membres de la blogosphère.
En effet, via quelque moyen de diffusion que ce soit, c’est le bon moment pour s’exprimer et se faire entendre au sujet des nanotechnologies.
Pour tout renseignement, n’hésitez pas à consulter le site du débat public, ou à contacter les modérateurs d’Agoravox qui me transmettront l’info.

Pour ma part, ayant été invité à contribuer/animer des débats sur les perspectives d'emploi militaire des nanotechnologies et sur les risques sécuritaires qui leur sont associés, je posterai diverses contributions thématiques sur ces sujets, que ce soit sur Agora Vox ou sur les pages de ce blog.
Bon débat à tous

lundi 12 octobre 2009

Nouvelle note d’analyse de la Chaire InBev Baillet-Latour sur les relations Union européenne-Chine de l’UCL

iceberg_melting2 Je signale, également, la parution récente de la nouvelle note d’analyse de la Chaire InBev Baillet-Latour sur les relations Union européenne – Chine de l’Université catholique de Louvain où mon confrère Tanguy Struye fait un boulot formidable (de cette façon, j’obtiens son pardon pour tous les articles que je lui remets en retard) !

http://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/pols/documents/NA5-INBEV-FULL.pdf

Au passage, vous pouvez également relire ma note sur les ambitions spatiales chinoises disponible à l’adresse suivante : http://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/pols/documents/NA4-INBEV-FULL.pdf

Bonne lecture !

Antimissile : le dessous des cartes

300px-arrow_anti-ballistic_missile_launch Pour ceux qui n’avaient pas eu l’occasion de le lire, je vous invite à parcourir la réflexion posée par André Dumoulin et moi-même dans la Libre Belgique du 25 septembre dernier.

http://www.lalibre.be/debats/opinions/article/531126/antimissile-le-des-sous-des-cartes.html

Bonne lecture !

dimanche 11 octobre 2009

The Good Enough Revolution: When Cheap and Simple Is Just Fine

Je vous parlais dans mon précédent billet du concept de “Good Enough” en étude des technologies et vous citais, plus exactement, un article de la revue Wired à ce propos.

Le voici. Il comporte des données intéressantes sur le domaine applicatif des technologies militaires.

Bonne lecture !

The Good Enough Revolution: When Cheap and Simple Is Just Fine

RIA Novosti - International - ABM: Washington ne change pas ses projets (médias) selon des experts russes

C’est là, somme toute, l’une des évidences (in)consciemment passée sous silence dans ce dossier sur l’antimissile américaine : la déclaration du Président Obama constitue, avant tout, une réorientation du projet de déploiement élaboré par l’Administration Bush. Elle n’est, en rien, l’affirmation d’une renonciation à l’établissement du système comme nous l’évoquions André Dumoulin et moi-même dans une opinion parue dans La Libre Belgique du 25 septembre dernier. Cette décision est-elle motivée par des facteurs exclusivement économiques? Pas sûr. Même si le contexte de la crise économique aura très certainement pesé d’un certain poids. Des motifs technologiques viennent, de la même manière, à l’appui de la révision d’architecture envisagée par le Président Obama. En effet, compte tenu du fait qu’une défense antimissile ne saurait garantir une couverture à 100% efficace, il semble que l’Administration soit désormais tentée par un système, disons, du type “Good Enough”; un paradigme très tendance selon la dernière livraison de la revue Wired.

Bref, il est très loin d’être acquis que la décision de la nouvelle Administration américaine se soit voulue uniquement un message en direction de Moscou et de Téhéran.

En attendant et pour alimenter votre opinion sur le sujet, je vous invite à parcourir les réactions russes…

RIA Novosti - International - ABM: Washington ne change pas ses projets (médias)

samedi 10 octobre 2009

Conférence de Martin van Creveld le 19 octobre 2009 à l’IRSD

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Le 19 octobre prochain, l’Institut Royal Supérieur de Défense aura l’honneur d’accueillir celui qui figure sans nul doute parmi les plus grands experts de l’histoire de la guerre: Martin van Creveld.

Je ne commettrai pas l’insulte suprême de vous rappeler l’apport de Martin van Creveld à la stratégie et à son histoire. Je me contenterai simplement de dire que ses ouvrages “Technology and war”, “Command in War” me donnent encore des frissons!

Ce sont d’ailleurs là des lectures qui, malgré leurs âges, restent toujours d’une étonnante actualité pour comprendre nombre d’enjeux contemporains en matière de défense. Et je ne parle même pas de la lumière qu’ils peuvent jeter sur les opérations militaires contemporaines!

Bref, Martin van Creveld sera, le temps d’une conférence, l’invité de l’IRSD. Cette conférence se tiendra, comme d’habitude, au Centre de conférence de l’Ecole Royale Militaire (Campus Renaissance, entrée par la rue Hobbema à 1000 Bruxelles) et débutera à 17 heures.

Si vous souhaitez plus d’informations ou vous inscrire, envoyez un courriel en remplissant le formulaire que vous trouverez en cliquant sur le lien suivant: Contact IRSD.

vendredi 9 octobre 2009

Quand le Nobel “dicte” la politique étrangère U.S.

 gal_faces_16Reconnaissons-le. Chacun d’entre-nous a pour le moins été surpris – le principal intéressé lui-même, sans doute, aussi – de la nomination du Président des Etats-Unis Barack Obama comme lauréat du prix Nobel de la Paix.

Une première question me vient à l’esprit : l’a-t-il été par défaut? Ce n’est pas à exclure. Même si l’on peut regretter que nombre de candidats légitimes, certes agissant à des niveaux plus modestes et de manière plus discrète en faveur de la paix, auraient mérité autant que d’autres de voir leurs actions quotidiennes mises en exergue par une telle reconnaissance.

Une seconde interrogation me perturbe. La désignation d’Obama comme Prix Nobel de la Paix n’est-elle pas une manière d’influencer sur l’avenir de la politique étrangère américaine et, plus spécifiquement, sur la nature des décisions qui devront être prises par les Etats-Unis dans nombre de dossiers (Iran, Corée du Nord, conflit dans le proche-Orient, etc.) ? On imagine bien que la marge de manœuvre du Président des Etats-Unis sera, qu’on le veuille ou non, affectée par le titre qui vient d’être décerné à son Président. De là à dire qu’elle en sera sensiblement altérée, il ne faudrait pas exagérer. Néanmoins, cette attribution a tous les dehors d’une forme nouvelle de tentative d’infléchissement de la politique extérieure de la plus grande puissance que compte la planète.

Il reste à voir quels seront les effets d’une telle décision…

En attendant, des félicitations s’imposent tout de même.

lundi 5 octobre 2009

Quelle attitude face à Google Earth

C'est le journal Le Soir (relayant lui-même une information du journal De Zondag) qui l'évoque dans ses colonnes : la Défense belge enquête sur Google Earth. Il faut bien avouer que le logiciel gratuit du géant Google n'en finit pas de susciter des controverses. Et ce depuis de nombreuses années. Déjà, en 2005, avais-je eu l'occasion de rédiger un billet (disponible ici) sur les questions sécuritaires liées à cette application.
 
Depuis lors, quelques événements et anecdotes semblent avoir alimenté les propos de ceux qui voient dans Google Earth une menace réelle tant pour la Défense que pour la sécurité intérieure des Etats. Les réactions de ces derniers se sont, toutefois, avérées, très variables. Ainsi, au mois d'août 2006, le Maroc censura-t-il Google Earth pour des raisons de sûreté. Une décision pour le moins contextée puisqu'elle fut adoptée sans autorisation judiciaire. C'est, plus exactement, la société Maroc Telecom qui entrepris de contraindre l'emploi du logiciel parmi les internautes nationaux. Aux Etats-Unis, Google Earth a couroucé le Pentagone, ému par le fait que nombre de photos satellites colligées par Google Earth comportaient des images précises de bases américaines et des activités qui s'y déroulaient (voyez ici).
 
Alors, la question, chacun l'aura compris, est la suivante : comment limiter la possibilité de voir croître le nombre d'applications et de mises en oeuvre malveillantes de Google Earth? Je crois personnellement qu'aborder le problème dans ce sens consiste à prendre - on m'excusera cette formulation familière - le chat par la queue. Certes, Google Earth peut, il est vrai, poser un réel problème de sécurité. Toutefois, quelques remarques s'imposent :
 
1. Interdire Google Earth est une option aussi inutile qu'inenvisageable. En effet, une telle interdiction ne saurait porter qu'au sein d'un Etat ou d'un groupe limité d'Etats. L'exploitation des images de Google Earth depuis l'étranger (ou depuis des pays n'interdisant pas Google Earth) resterait toujours possible;
 
2. Stigmatiser Google Earth peut s'avérer contre-productif. En effet, il existe d'autres sociétés du Web qui fournissent ce type de produit. Bing Maps, de Microsoft, fournit une solution similaire qui, étrangement, ne semble pas dénoncée avec la même ferveur. Il n'est pas à douter que de nouveaux concurrents chercheront à développer des solutions identiques en travaillent sur une meilleure qualité de résolutions et des services complémentaires (payants, sans doute) plus attractifs.
 
3. Il conviendrait, par contre, de prendre le dossier "Google Earth" non pas comme une interrogation, mais plutôt comme une réponse. En d'autres termes, compte tenu de la nature désormais hétéroclite et protéiforme des menaces contemporaines, ne pourrait-on pas sortir du cadre dans lequel nous traitons habituellement les problèmes de sécurité. C'est l'attitude des forces de l'ordre américaines qui, plutôt que de dénoncer l'application incriminée, sont parvenues à en tirer profit (voyez ici). Bref, Google Earth peut tout autant s'avérer un nouveau problème de société, qu'une nouvelle solution de sécurité.
 
Tâchons de méditer sur ces quelques éléments...

dimanche 27 septembre 2009

Take a look at this page: http://www.defencetalk.com/more-troops-and-new-strategy-for-afghanistan-22157/

mercredi 29 avril 2009

Conférence du soir de l'IRSD - 6 mai 2009 - Le 60ème anniversaire de l'OTAN (Ambassadeur van Daele)

L'Institut Royal Supérieur de Défense organise en date du mercredi 6 mai à partir de 17 heures, au Centre de conférence de l'Ecole Royale Militaire, une conférence sur le thème du 60ème anniversaire de l'OTAN. Son Excellence l'ambassadeur van Daele nous entretiendra sur les perspectives de l'Alliance au lendemain du Sommet de Strasbourg/Kehl.
 
L'entrée à l'Ecole Royale Militaire se fait par la Rue Hobbema 8 (1000 Bruxelles). La conférence se déroulera en anglais. Une traduction simultanée est prévue vers le français et le néerlandais.


Inscriptions : Contact IRSD

mercredi 8 avril 2009

Colloque “La guerre technologique en débat(s)” – organisé par le Club Participation & Progrès les 4 & 5 mai 2009 à l’Ecole militaire (Paris)

iraqtech_illo_485 Pierre Pascallon, Président du Club Participation & Progrès, m’a transmis cet après-midi le programme provisoire des deux journées d’étude des 4 & 5 mai prochains qu’il consacre à la question de “la guerre technologique”.

Votre serviteur aura le plaisir d’y délivrer une communication sur les possibilités d’émergence d’une 3ème RAM articulée autour de la métaconvergence technologique.

Inutile de préciser que ce programme peut encore varier. Je vous communiquerai les mises à jour éventuelles.

Vous pouvez consulter le programme provisoire.

Si vous souhaitez assister à cette conférence – et j’espère que vous y viendrez nombreux ! –, vous trouverez ici le coupon de réponse à renvoyer au Club Participation & Progrès.

Merci de bien vouloir réserver un écho le plus large possible à cet événement !

dimanche 29 mars 2009

La difficile réécriture du Concept stratégique

debat_AGS Le prochain Sommet de l’OTAN réuni à Strasbourg-Kehl des 3 et 4 avril prochains et qui consacrera le 60ème anniversaire de l’Organisation s’inscrira-t-il en rupture de ses précédentes éditions ? Surtout, sera-t-il employé en vue de projeter l’Alliance atlantique dans le « système monde » de demain ? Parviendra-t-il à dépasser les revers militaires (Afghanistan) et les controverses de l’immédiat (BMD) pour procéder à une réécriture des objectifs de long terme de l’Organisation ?

La teneur des débats qui précèdent la tenue de ce sommet ne suscitent pas une réelle confiance dans la capacité des chefs d’État et de gouvernement qui se réuniront à cette occasion à approcher les défis sécuritaires et militaires des temps à venir. La réintégration de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN est, ainsi, présentée comme LE dossier du Sommet. Ce sujet permettra surtout à l’OTAN d’afficher un succès sur le plan diplomatique, succès qui viendra à point nommé pour contrebalancer l’aggravation de la situation militaire en Afghanistan tandis que la stabilité du Pakistan voisin n’a jamais été aussi précaire. Au vrai, le « retour » de la France dans les structures militaires intégrées de l’OTAN ne devrait pas générer de modifications profondes des rapports entre l’Hexagone et l’Alliance, ni même impacter sur le caractère déjà fortement inséré des forces armées françaises dans l’enceinte transatlantique.

Nul doute que ces dossiers occulteront pour une large part le projet de réécriture du Concept stratégique dont l’amorce des travaux devrait officiellement intervenir lors du prochain sommet. Le projet remonte, à dire vrai, au lendemain des attaques terroristes du 11 septembre 2001. Sans doute, fut-il déposé prématurément au vu des tergiversations dont il fut l’objet. Si l’ensemble des dirigeants des États membres de l’Alliance acceptent aujourd’hui l’amorce d’un travail de réflexion sur la substance d’un Concept nouveau pour le XXIe siècle, il est utile de rappeler que ce projet arrive au terme de nombre de péripéties à propos de la formulation d’une posture stratégique nouvelle. Revenons donc, plus en détails, sur les débats qui ont marqué les années 2001 à 2009.

La proposition prématurée du Groupe de Varsovie

Proposée par le Groupe de réflexion de Varsovie (GRV), l’idée d’une réécriture radicale du Concept stratégique de l’Alliance atlantique avait, à l’époque, reçu un accueil pour le moins réservé à son annonce. La philosophie se situant à la base de cette proposition consistait à souligner que l’OTAN, dans l’état actuel de l’environnement sécuritaire, opérait en dehors de toute assise conceptuelle et doctrinale en phase avec les nouvelles menaces. En d’autres termes, l’OTAN était accusée d’actionner ses instruments « sans filet ». Cette situation ne pouvait alors apparaître que comme une solution provisoire. Sa persistance dans le long terme risquait en effet d’affecter, aux yeux du Groupe de réflexion, la pertinence de l’organisation en matière opérationnelle.

Plusieurs questions stratégiques, en effet, exigeaient des réponses appropriées qui ne pouvaient se satisfaire des postures politico-militaires ayant prévalu avant le 11 septembre 2001. Parmi ces interrogations figuraient les questions de la position de l’Alliance atlantique face à la montée en puissance de la Chine ou celle des rapports de la communauté atlantique avec les populations musulmanes d’Europe et d’ailleurs, etc. Le rapport du GRV évoquait, à l’appui de ses arguments, les changements paradigmatiques intervenus tant dans le contexte sécuritaire contemporain que dans les moyens de l’exercice de la force. Ses rédacteurs évoquaient parmi d’autres éléments : les effets de la globalisation, la montée de l’extrémisme islamiste, le terrorisme, la menace posée par les armes de destruction massive (particulièrement accrue du fait du risque de voir un groupe terroriste détenir de tels moyens), le danger représenté par les États faillis ou fragilisés, l’émergence de puissances nouvelles (dont la Chine ou une Russie résurgente), etc.

Bien qu’une telle initiative ait pu paraître constituer un exercice des plus intéressants, l’idée d’une réécriture du Concept stratégique posait des difficultés majeures. N’y avait-il pas lieu, en effet, de penser qu’une telle solution équivaudrait à ouvrir une « boîte de Pandore » ? L’état critique dans lequel se trouvait le débat transatlantique au lendemain de l’intervention militaire américaine et coalisée en Irak (de mars à mai 2003) laissait en effet présager qu’un consensus sur ces questions ne pouvait intervenir. Or, jeter les germes d’une crise institutionnelle dans le contexte d’une crise politique internationale s’avérait trop risqué pour une organisation déjà fragilisée. Des voix s’étaient ainsi élevées pour défendre, à défaut d’un « atlantisme ambitieux », le principe d’un « attentisme prudent ».

Le débat initié par le GRV laissait apparaître au grand jour un paradoxe pour le moins dérangeant puisqu’il pointait justement le doigt sur le fait que, même imparfait, le Concept stratégique de 1999 n’avait en rien empêché l’Alliance d’étendre ses missions et de relever, à son niveau – et compte tenu de ses moyens d’action –, les défis générés par le terrorisme international (ISAF) et l’instabilité chronique de certaines régions (Macédoine, Kosovo, Darfour). En d’autres termes, l’adaptation des instruments de l’Alliance semblait pouvoir être opérée par le biais de solutions organiques et incrémentales. Si certains avaient pu trouver dans cette situation des arguments témoignant de l’étonnante actualité du Concept stratégique de 1999, d’autres voix faisaient remarquer que l’importance d’un tel Concept se révélait très relative.

Un rapport Harmel bis?

Certains esprits éclairés, prenant acte des difficultés inhérentes à la refonte du Concept stratégique, avaient alors émis l’idée d’une rédaction d’un nouveau rapport Harmel, le coût institutionnel d’une telle solution s’avérant nettement « moins élevé ». On se souvient que, en 1967, le rapport Harmel, qui portait sur les tâches futures de l’Alliance, avait suscité un grand enthousiasme parmi les instances atlantiques. L’aura que connaît encore, près de quarante années après sa parution, le rapport Harmel pouvait – pensait-on – être employé au service d’un réalignement des approches politiques et stratégiques de l’Alliance atlantique. Cette solution appellait, toutefois, à deux réserves majeures. La première relèvait de la différence existant entre le contexte stratégique des années 1960/1970 et celui de l’après-11 septembre. Ensuite, un rapport Harmel bis n’aurait en rien permis d’éluder les risques susceptibles de découler d’un débat politique sur son contenu au niveau du Conseil de l’Atlantique Nord – du moins, si un tel débat avait du être posé. Les discussions qui auraient été conduites à l’endroit du débat de fond suscité par le rapport auraient pu se révéler tout aussi destructurantes qu’une refonte pure et simple du Concept stratégique de l’Alliance. Mais il fallait aussi tenir compte de la place désormais moins centrale qu’occupait l’Alliance atlantique dans le contexte stratégique contemporain.

Le choix des Directives Politiques Globales (DPG)

C’est finalement en direction du principe de la rédaction de DPG (aussi désignées Comprehensive Political Guidance [CPG], en anglais) qu’ont convergé les États de l’Alliance. Solution consensuelle au vu des divergences intervenues entre les Alliés depuis la guerre d’Irak de 2003, les DPG ont été formellement inscrites dans le programme de l’Alliance à la suite de la réunion au sommet du Conseil de l’Atlantique Nord tenue à Istanbul en date du 28 juin 2004. Le paragraphe 21 du Communiqué des chefs d’États participant à la réunion annonce avoir « chargé le Conseil en session permanente d’élaborer, […], des directives politiques globales à l’appui du Concept stratégique pour l’ensemble des questions de capacités, disciplines de planification et activités de renseignement de l’Alliance, qui répondent aux besoins de l’Alliance, y compris en forces interopérables et déployables, capables de mener des opérations majeures tout comme des opérations de moindre envergure, concomitamment, si nécessaire, et d’opérer conjointement dans un environnement de sécurité complexe.»

L’importance de cette déclaration mérite que nous nous arrêtions un instant sur les circonstances et la portée de sa formulation. Il convient, tout d’abord, d’indiquer que le communiqué du Sommet d’Istanbul atteste du choix, opéré par les États membres de l’Alliance atlantique, d’établir des DPG. Ces DPG étaient donc appelées à constituer un document destiné à appuyer et non à remplacer l’actuel Concept stratégique de 1999. Le choix des DPG était, en quelque sorte, une solution de compromis reposant sur le plus petit dénominateur commun existant entre les diverses postures doctrinales et politiques des États de l’Alliance. En conséquence, les DPG ne constitueront pas un texte politiquement contraignant. Pourtant, les objectifs qui leur ont été assignés par les États à l’occasion du Sommet d’Istanbul étaient de nature à engager non seulement la structure même de l’Alliance mais, plus encore, ses modalités opératoires futures. C’était là, pour le moins, un paradoxe de voir les États membres de l’Alliance placer dans un exercice réflexif informel (en seul appui du Concept stratégique) des objectifs politiques et opératoires à ce point ambitieux qu’ils risquaient d’altérer jusqu’à l’essence même de l’organisation. Il est utile, en effet, d’énumérer les matières particulièrement complexes traitées par les DPG :

  1. les activités de planification des activités de même que les modalités de développement des futures capacités ;
  2. les instruments de planification de la défense ;
  3. les consultations dans le domaine des armements ;
  4. les moyens de commandement et de contrôle ;
  5. la logistique ;
  6. les ressources ;
  7. la question nucléaire ;
  8. les planifications d’urgence civile.

Au-delà de ces aspects, les DPG auront eu pour tâche de définir les voies d’adaptation de capacités critiques comme la défense antiaérienne ou encore d’établir des normes nouvelles en matière de standardisation. Toutefois, la résistance opérée par certains États en vue de réduire la « portée et la signification politique » des DPG – afin que celles-ci n’altèrent en rien les dispositions contenues au sein du Concept stratégique – fut révélateur des crispations que pouvait susciter la question de l’adaptation des tâches et missions de l’Alliance pour le futur. Elle témoignait aussi d’une certaine volonté de dilution de l’Alliance, la faisant migrer du statut d’organe politico-militaire à finalité opératoire vers le rôle de plate-forme politique globale.

Une redéfinition du Concept stratégique est-elle possible?

La réponse à cette interrogation appelle un constat préliminaire : le Sommet de Strasbourg-Kehl aurait pu être l’occasion de présenter le texte d’un Concept stratégique nouveau. Toutefois, lors du Sommet de Bucarest de 2008, les chefs d’État et de gouvernement n’avaient pu s’entendre sur le principe de la refonte du CS. En effet, le texte de la Déclaration du Sommet de Bucarest se contentait de demander « au Conseil en session permanente d’élaborer, en vue de son adoption à ce sommet (Sommet de Strasbourg-Kehl), une déclaration sur la sécurité de l’Alliance définissant plus avant le contexte dans lequel s’inscrira cette tâche importante. » Il est, par ailleurs, symptomatique de constater qu’en nul endroit de la Déclaration de Bucarest ne figurait une quelconque référence au Concept stratégique de 1999 ! Or, à l’exception du Sommet de Bruxelles de 2005 (qui aboutit à une Déclaration des plus brèves) et de Rome (du 28 mai 2002) portant sur la création du Conseil OTAN-Russie, chaque Déclaration issue d’un Sommet de l’OTAN opère une référence explicite au CS.

Il est, dès lors, prématuré d’indiquer, à propos des travaux qui seront engagés, selon toute vraisemblance, à partir du prochain Sommet, qu’ils aboutiront inéluctablement sur la rédaction d’un nouveau Concept stratégique.

Bien sûr, des raisons d’espérer existent. Le récent rapprochement de la France et de l’Allemagne autorisent à penser qu’une relative communion de vue puisse apparaître entre les deux pays qui puisse, à terme, faciliter le processus d’élaboration de ce nouveau Concept. La Chancelière allemande, Mme Merkel, a pu récemment préciser, lors de la Conférence sur la sécurité de Munich, ses attentes en la matière. Mais il n’est pas sûr qu’ils remportent l’adhésion de l’ensemble de la communauté euro-atlantique. Si la nécessité d’une approche globale de la sécurité se comprend à l’aune de l’évolution du contexte sécuritaire international, elle risque de générer l’opprobre de ceux qui entendent ne pas diluer les compétences de l’OTAN dans une trop grande variété de missions. Bien que le développement d’une approche régionale des conflits réponde au souci de mieux appréhender certains théâtres de crises complexes comme l’Afghanistan, quelques partenaires souligneront le souci d’éviter que l’OTAN ne soit aux prises avec un trop grand nombre de fronts (on pense au Pakistan) ; perspective qui ne ferait qu’accroître les effets néfastes de la « surextension stratégique » de l’OTAN, déjà avérée au demeurant.

Viendra ensuite la délicate question du Traité FCE. Objet d’un moratoire russe depuis 2007 (cf. mes précédents billets sur la question), le Traité portant la réduction des forces conventionnelles en Europe, dont le premier document fut signé en 1990, est foncièrement inadapté aux transformations stratégiques ainsi qu’aux mutations technologiques des armements conventionnels contemporains. Sa révision (qui avait pourtant été au cœur des négociations de 1999 en marge du Sommet de l’OSCE à Istanbul) se révélera plus complexe que jamais dans la mesure où elle devrait appeler les « partenaires » à s’entendre non seulement sur les types de matériels visé par le Traité et les plafonds mais aussi – et surtout ! - sur la répartition des forces armées des États européens (en ce compris, évidemment, la Russie) sur le continent. Inutile d’ajouter que l’intervention militaire russe en Géorgie rendra les négociations particulièrement ardues.

Enfin, les incertitudes entourant l’avenir du projet d’installation d’éléments du bouclier antimissile américain en Europe (intercepteurs en Pologne et radar en bande-X en République tchèque) constitueront l’un des principaux paramètres du débat transatlantique dont l’issue impactera sur l’attitude de Moscou sur nombre de dossiers. Nombre de spéculations entourent, il est vrai, les perspectives d’implantation de ces éléments. Elles concernent, tout d’abord, la capacité des États-Unis à attribuer un financement structurant au projet durant les prochaines années dans un contexte de crise financière et de ralentissement économique sans précédent. Or, la défense antimissile est avant tout un « système des systèmes ». Toute altération portée à l’un des composants du projet entraînera des conséquences sur le développement de l’ensemble du programme. Les spéculations portent ensuite sur la stabilité politique de la République tchèque (dont la majorité gouvernementale vient d’être l’objet d’une motion de censure) et de la Pologne.

À la lecture des événements politiques et militaires récents, nous pouvons légitimement nous demander si l’Alliance n’a pas manqué l’opportunité qui lui était donnée au printemps 2008 de modifier quelques-uns des éléments les plus critiques d’une équation de sécurité paneuropéenne hautement complexe.

mardi 17 mars 2009

Robotique, éthique et droit de la guerre

image La revue en ligne The New Atlantis a récemment consacré un article fort intéressant sur les questionnements d’ordre juridique relatifs à l’emploi de systèmes robotiques sur les champs de bataille contemporains et futurs.

La revue revient, dans un premier temps, sur l’un des sujets majeurs du débat stratégique actuel qui consiste à s’interroger sur la place que doit occuper la haute-technologie – et plus spécifiquement la robotique – dans les théâtres de crise. Les dernières opérations militaires en Iraq et Afghanistan affichent, il est vrai, un bilan des plus contrastés. Les opérations de contre-insurrection tendent à confirmer que des forces armées à haute capacité technologique peuvent contourner les systèmes de combat avancés qui leur sont opposés pour tirer profit de contre-mesures rustiques. Cela étant posé, les retours d’expérience de ces théâtres ont également démontré la valeur ajoutée de tels systèmes robotiques qui, loin de se substituer à l’homme, sont davantage destinés à l’accompagner sur le champ de bataille. Le principal enseignement des guerres d’Irak et d’Afghanistan consiste à affirmer que c’est, évidemment, une combinaison des éléments humains et technologiques qui s’avère la solution la plus appropriée pour répondre aux défis sécuritaires futurs. Chacun s’en doute, le débat est bien plus complexe.

L’article revient, ensuite, sur les errances vécues par nombre de programmes militaires dans le domaine de la robotique. Longtemps, ce qui était techniquement réalisable s’avérait bureaucratiquement impossible, souligne l’auteur, P. W. Singer. En réalité, je ne suis pas sûr que ce dialogue entre la “technique” et le “politique” soit aujourd’hui plus évident. L’introduction du missile de croisière, dans un premier temps, et des drones, dans un second temps, avaient généré des résistances au sein de la communauté des pilotes. Le recours à des opérateurs pour le contrôle des UAV (éventuellement armés) se situe toujours au coeur du débat.

Sur le plan éthique, la question centrale est de savoir si l’introduction et l’expansion de la robotique sur les champs de bataille permettra de rendre les opérations moins cruelles qu’elles ne le sont avec des hommes. Cet espoir est ancien. L’auteur rappelle d’ailleurs les propos du poète John Donne qui indiquait que l’amélioration technique des canons rendrait la guerre plus “civilisée”. Aujourd’hui, la question n’a pas changé et sa réponse pourrait presque se révéler déconcertante de facilité : la robotique rend-elle la guerre plus ou moins (in)humaine? Cette interrogation recouvre des sens multiples.

J’invite chacun d’entre vous à se reporter à cet article de The New Atlantis pour alimenter ses réflexions.

Le débat AGS du mois : Le sommet de l’OTAN à Strasbourg-Kehl

image Chaque mois, Alliance Géostratégique

vous présentera une thématique de débat dans le cadre de laquelle chacun de ses membres éditera un billet. Pour ma part, je vous donne rendez-vous le 27 mars prochain – sur le site d’AGS et sur G&S – pour un édito relatif à la place de l’OTAN dans l’échiquier eurasien.

Au 27 mars, donc. En attendant, n’hésitez pas à consulter les contributions au thème du mois de nos membres.

Communication “The European Union: A Global Actor for a Comprehensive Approach of Security”

image Dans la série 'Focus Papers' de l’Institut Royal Supérieur de Défense, j’ai eu l’honneur de fair paraître le mois dernier un article intitulé 'The European Union: A Global Actor for a Comprehensive Approach of Security. J’y analyse, brièvement, les aspects conceptuels et les instruments développés par l'UE en vue d'aborder les enjeux sécuritaires contemporains. Cette communication fut présentée, en date du 30 janvier 2009 devant une délégation du Romanian Defence College sur le site de l’Ecole Royale Militaire.

Ce document est téléchargeable via le lien ci-dessous:

http://www.mil.be/rdc/viewdoc.asp?LAN=fr&FILE=doc&ID=1416

Bonne lecture !

jeudi 12 mars 2009

Conférence internationale - Puissances montantes en Asie : vers un monde multipolaire (24 mars 2009)

Plus d'info sur la page Mission
Le Centre d'Etudes de Sécurité et de Défense de l'Institut Royal Supérieur de Défense, en collaboration avec le Department for Conflict Studies de la Chair of World Politics de l'Ecole Royale Militaire, ainsi qu'avec la participation de l'Université catholique de Louvain et le Collègue d'Europe (Bruges), organise en date du 24 mars prochain une conférence internationale sur le thème "Puissances montantes en Asie : vers un monde multipolaire".
 
Plusieurs éminents experts sont invités à s'exprimer sur le sujet. Une date à ne pas manquer !
 
Cet événement se tiendra au Centre de conférence de l'Ecole Royale Militaire (entrée par la rue Hobbema à 1000 Bruxelles). Les inscriptions peuvent être adressées à l'une des deux adresses suivantes : pascal.vancoppenolle@mil.be ou rhid.conferences@mil.be.  
 
Récemment, le développement accéléré des pays asiatiques a entraîné une modification profonde dans l'équilibre des puissances, faisant tendre ce dernier vers la multipolarité. La Chine et l'Inde ont intégré la scène mondiale en tant que puissances économiques et acteurs politiques. Cette modification des dynamiques géopolitiques aura assurément des implications majeures pour la communauté internationale. Plusieurs interrogations peuvent être posées à l'endroit de ce changement systémique. Comment l'Asie a-t-elle réussi son développement ? Quel impact ce développement suscitera-t-il sur la stabilité régionale ? A quel avenir seront promises les relations entre l'Union européenne, la Chine et l'Inde ?

Pour répondre à ces questions, l'Ecole Royale Militaire et l'Institut Royal Supérieur de Défense ont le plaisir de vous inviter à la conférence internationale qu'ils organisent sur ce thème le mardi 24 mars 2009. Parmi les conférenciers invités nous vous présentons le LtGen Eikenberry (Deputy Chairman of the NATO Military Committee); Dr. Jing Men ( InBev-Baillet Latour Chair at the College of Europe), et Ambassadeur Christiaan Tanghe (SPF Affaires étrangères).

Naissance d'Alliance Géostratégique (AG)

Depuis plusieurs mois, des rapprochements entre divers blogs consacrant leurs éditos à l'actualité militaire, stratégique de même qu'aux relations internationales se sont opérés. Ces démarches, incrémentales dans un premier temps et progressivement structurées, ont donné naissance à Alliance Géostratégique (http://www.alliancegeostrategique.org). Cette plate-forme fédératrice de blogs (parmi lesquels figure "Guerres & Systèmes") a pour objectif d'organiser à son niveau - et dans le cadre de la blogosphère - le débat stratégique francophone (AG compte parmi ses membres des Français, Belges, Canadiens, etc.). Soucieuse de la spécificité de chaque blog, AG constitue un outil destiné à assurer une plus grande visibilité de ce nouveau lieu de débat stratégique qu'est l'Internet.
 
Pour mieux comprendre AG, je me permets de vous renvoyer au texte de présentation de notre initiative commune qu'a eu la grande amabilité de rédiger Olivier Kempf.
 
Longue vie à Alliance Géostratégique et à ses membres !

jeudi 29 janvier 2009

Parution du rapport “The Militarisation of Space: Policy and Legal Aspects”

Militarisation-of-space Au mois de décembre 2007, une conférence internationale organisée conjointement par l’Ecole Royale Militaire, le Studiecentrum voor Militair Recht en Oorlogsrecht, le Centre d’Etude de Droit Militaire et de Droit de la Guerre, le Leuven Centre for Global Governance Studies et l’Interdisciplinary Centre for Space Studies a réuni plusieurs chercheurs, experts et observateurs académiques des affaires spatiales afin de débattre des dimensions juridiques et politiques de la “militarisation de l’espace”.

J’ai eu l’honneur d’y présenter un exposé sur les dernières actualités technologiques militaires du secteur spatial.

Vous trouverez le rapport complet de cette journée d’étude via le site du RMES en cliquant sur l’image ci-dessus ou le présent lien.

mardi 27 janvier 2009

La technique toujours aussi délicieuse… et tyrannique !

Dans la série de billets consacrés à la posture probable de la nouvelle administration Obama en matière de défense antimissile, le webzine Space War (http://www.spacewar.com/reports/Obama_Missile_Defense_Priorities_Part_Three_999.html) revient sur une donnée somme toute élémentaire, néanmoins des plus intéressante, relative à la “dynamique” des programmes d’armement moderne, bien souvent caractérisé (principalement aux Etats-Unis), par une haute capacité technologique.

Les éditeurs de Space War indiquent, en effet, que la marge de manoeuvre de la nouvelle administration démocrate sera particulièrement étroite s’agissant de l’avenir de la défense antimissile de territoire aux Etats-Unis. L’article rappelle ainsi que dans la note publiée le 12 novembre 2008, intitulée “Barak Obama and Joe Biden on Defence Issues”, le nouveau Président des Etats-Unis interrogeait l’efficacité et l’efficience du projet de bouclier antimissile, soutenu par la précédente administration Bush (on remarquera que le Président Clinton avait préféré léguer la responsabilité de la prise de toute décision définitive sur ce projet). Le contre-argument développé par Baker Spring et Peter Brookes est de dire que le nouveau Président aborde maladroitement la problématique en considérant les éléments du bouclier de manière individuelle. Or, précisent les auteurs, et on ne saurait a priori les contredire, le bouclier, comme la majorité des équipements avancés de défense aujourd’hui, constituent des systèmes de systèmes dont les éléments constitutifs ne peuvent être évalués sans qu’une décision sur ces éléments constitutifs n’impactent sur l’ensemble du projet considéré et de ses sous-composants. Evidemment, la focalisation des observateurs sur la réelle capacité d’interception en hit-to-kill des missiles antimissiles américains tend à dissimuler le fait que bien d’autres éléments du bouclier participeront, notamment en amont, à la défense effective (espère-t-on) du territoire américain. Sur cette base, on imagine que la conclusion de cette démonstration est de dire que tout jugement portant sur les seuls intercepteurs pourrait affecter les divers composants du bouclier dont on manque de révéler le potentiel réel.

On voit là l’illustration brillante du syndrome qu’a pu mettre en avant Jean-Jacques Salomon dans ses divers écrits sur le rapport entre le politique, la science, la technologie et le militaire. Au vrai, l’administration Obama risque sans doute fort d’être à son tour happée par le complexe du délice technique. Un programme peut se révéler si techniquement délicieux qu’on en vient à ne plus s’interroger à son sujet (J.-J. Salomon, Le scientifique et le guerrier, Paris, Belin, coll. Débats, 2001, p. 77); les problèmes militaire, politique ou humain du programme n’étant débattus qu’à partir de l’instant où celui-ci est définitivement acquis. On pourrait pousser l’argumentation en affirmant comme avait pu le faire en son temps Matthew Evangelista (M. Evangelista, Innovation and the Arms Race: How the United States and the Soviet Union Develop New Military Technologies, Ithaca (New York), Cornell University Press, 1988), que certains programmes ne sont poursuivis que par l’insistance des scientifiques et des laboratoires qui le soutiennent. Cette hypothèse semble, sans doute, exagérée, peu crédible et résiste peu à l’analyse des programmes d’armements de ces vingt dernières années. Toutefois, une chose est sûr: il existe bel et bien un délice technique du projet antimissile qui génère, en outre, une tyrannie réelle vis-à-vis des politiques et des bureaucraties qui seront appelés à statuer sur son sort. Si l’on ajoute à ces éléments, les préoccupations de l’administration et des élus locaux relatives à la préservation des bassins d’emploi impliqués dans la confection des systèmes, il est certain que l’administration Obama verra son potentiel de manoeuvre fortement altéré.

Note : je souligne, à ce propos, l’excellent ouvrage de Joseph Henrotin, La technologie militaire en question. Le cas américain, paru chez Economica dans la collection de Vincent Desportes, qui aborde l’ensemble de ces aspects avec détails et investigation. J’en ferai prochainement une critique de lecture sur ce blog.

samedi 24 janvier 2009

Parution prochaine : Gazprom – l’idéalisme européen à l’épreuve du réalisme russe

Comme je vous l’avais déjà annoncé, mon confrère, Pol-Henry Dasseleer publie prochainement chez L’Harmattan une étude solide sur les rapports Europe-Russie dans le cadre du marché gazier. Il aborde, au-delà, des aspects commerciaux et économiques du sujet, les dimensions géopolitiques (sans doute premières) et stratégiques de la dépendance, mutuelle (il faut bien le reconnaître) de l’Europe et de la Russie dans ce secteur.

Couverture-GAZPROM---PHDNous avons davantage d’informations sur ce prochain opus puisque j’ai le plaisir de vous en livrer la couverture. Soyez donc attentifs lorsque vous parcourrez ces prochains mois les librairies spécialisées.

Pol-Henry Dasseleer, GAZPROM : l’idéalisme européen à l’épreuve du réalisme russe, Paris, L’Harmattan, 2009, ISBN : 978-2-26-07369-2. L’ouvrage sera vendu à 16 €.

jeudi 22 janvier 2009

Nanotechnologies : entre prophéties et recherche

C'est en parcourant aléatoirement la toile sur l'une de mes thématiques d'investigation de prédilection, "les nanotechnologies", que je suis tombé sur un débat intéressant qui anime depuis quelques années les milieux scientifiques américains sur la question précise de la politique américaine en matière de soutien à la recherche nanotechnologique. Un edito, datant de 2004, rédigé par l'équipe rédactionnelle de la revue The New Atlantis: A Journal of Technology & Society revient sur le schisme qui est apparu au sein de la communauté des chercheurs concernés par le développement des nanotechnologies (NT).
 
Dans une approche "Latourienne", relativement comparable à la question de "la production des faits scientifiques" il pourrait être affirmé que les activités liées au "développement" des nanotechnologies (je ferai d'ailleurs l'impasse sur les tergiversations afférant à la dénomination de cette discipline) n'entretiennent qu'un faible rapport avec ce qui relève, sensu stricto, de la science. Pour The New Atlantis, les accroissements constants de budgets en faveur des NT (le budget de la National Nanotechnology Initiative, pour 2009, devrait avoisiner les $1,5 milliards) opérés depuis bientôt dix ans ont pour le moins de quoi étonner dans la mesure où ces montants soutiennent une technologie qui, pour l'heure, n'a pas été pleinement prouvée et pourrait même être considérée comme pratiquement non-existante. Certes, des composants issus des premières recherches dans le domaine des NT envahissent déjà un grand nombre de produits et de consommables (cosmétique, pharmacologie, informatique, etc.). Néanmoins, on semble assez loin des grandes promesses annoncées par Eric K. Drexler (Engines of Creation) dans lequel, en 1986, il annonçait l'imminence de l'ère des "nano-assembleurs", tout dans un futur indéterminé devant être appelé à être fabriqué, développé, entretenu par des manufactures nanométriques auto-répliquantes et auto-organisées.
 
L'une des principales difficultés à laquelle est aujourd'hui confrontée la communauté scientifique américaine est que c'est précisément dans les prophéties émises par Drexler que nombre de chercheurs et de politiques ont placé leurs espoirs. Comble de l'ironie, ceux qui, au sein de la communauté scientifique tentent de démonter les arguments de Drexler ont quelque réticences à se démarquer de ce dernier. En effet, jamais sans doute la recherche nanotechnologique aux Etats-Unis n'aurait amassé autant de fonds si l'auteur d'Engines of Creation ne s'était engagé corps et âme dans une intense activité de sensibilisation et de lobby en faveur des NT.
 
Quel rapport avec les affaires de sécurité, me direz-vous? Il est évident lorsque l'on connait le principal bénéficiaire de la NNI : le Département de la Défense (DoD). En outre, il est utile de précisr que toute l'histoire de la pensée scientifique de l'après guerre qui a progressivement conduit à l'émergence des nanotechnologies (le terme n'apparaîtra qu'au milieu des années 1970) est, de près ou de loin (qui aurait imaginé le contraire?) liée au domaine de la défense. Aujourd'hui, l'Armée de terre et le MIT sont associés dans le cadre de l'Institute for Soldier Nanotechnologies pour le développement de solutions nanostructurées pour la protection du combattant. Cet Institut est l'arbre, toutefois, qui cache une forêt constituée de divers laboratoires investis de manière directe ou indirecte dans ce secteur de recherche.
 
Quid de l'Europe, me direz-vous? L'approche européenne semble a priori plus raisonnée et sereine (même si la stratégie européenne en faveur des nanotechnologies semble s'appuyer sur des perspectives de rentabilités financières à venir qui ne résisteraient pas à un examen approfondi). En dehors du 7ème programme cadre pour la R&D européenne qui palce les nanosciences et l'étude des matériaux parmi les principaux domaines subsidiés, l'Agence européenne de défense a lancé un nouveau programme d'investissement conjoint (Joint Investment Program - JIP) sur les nouveaux concepts en matière de technologies émergentes (Innovative Concepts & Emerging Technologies - ICET). Cet effort s'inscrit dans la droite ligne de l'approche qui a, précédemment, guidé le premier JIP sur la protection des forces et du combattant. Les sommes investies sont, à l'évidence, peu comparables avec les dépenses consenties par les Etats-Unis mais ne dit-on pas que les ruptures stratégiques n'interviennent pas nécessairement au sein des Etats qui prétendent y parvenir les premiers?
 
PS : pour info, un rapport d'étude que je rédige pour le compte de l'Institut Royal Supérieur de Défense paraîtra à la fin du mois de février et portera sur une analyse comparative des agances, structures et budgets de la recherche nanotechnologique contemporaine.

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Alain De Neve

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