vendredi 26 décembre 2008

Et trois GLONASS… Trois!

glonass-petit On peut, il est vrai, tergiverser sur l’état réel du secteur spatial en Russie (et nous le ferons également), on ne peut, cependant, nier que la récente volonté de redynamiser GLONASS, le système russe de navigation par satellite, porte ses fruits.

En effet, tandis que GALILEO, qui se veut le concurrent européen du GPS américain (et du prochain GPS III), n’en finit pas de successivement sombrer et d’être replacer sur les rails (grâce, notamment, aux économies opérées dans le cadre de la Politique agricole commune), GLONASS poursuit sa revalidation progressive. Ce sont trois nouveaux satellites de navigation qui ont été placés en orbite par un fusée PROTON-M. 20 satellites (re)composent aujourd’hui la constellation GLONASS. Moscou entend finaliser au plus tôt son architecture en orbite qui devrait compter, à terme, un ensemble de 24 satellites.

Ce nouveau tir intervient, faut-il le rappeler, dans un contexte de refinancement global et soutenu du secteur spatial en Russie. La régularité des reversements des excédants financiers russes dans les programmes spatiaux traduit, à l’évidence, la détermination du politique à procéder à une revalorisation général de l’outil spatial. Cette implication forte du politique a, notamment, pris la forme, en 2004, d’une réorganisation drastique de l’Agence spatiale fédérale russe, suivie, un an plus tard (octobre 2005), par la parution d’un nouveau programme spatial russe – peu commenté, au demeurant. Bien sûr, la Russie ne saurait effacer du revers de la main les années Eltsine marquée par une déconsidération des politiques de l’époque à l’égard de la survie de son secteur d’activités spatiales. On ne peut, cependant, que constater que cette période semble bel et bien révolue. Il reste que, en dépit des efforts entrepris depuis 2000, la secteur spatial russe est encore en phase de convalescence.

L’Europe, dont les politiques spatiales* restent marquées par des hésitations, des confusions quand il ne s’agi pas de combats d’arrière-garde (notamment quant à l’emploi du spatial pour des objectifs de défense), semble se contenter de rattraper les trains en marche…

* Parler d’une politique spatiale européenne est, selon moi, un contre-sens dans la mesure où le secteur spatial européen, dans sa dimension institutionnelle, reste marquée par un éclatement regrettable des structures en charge de l’espace. ceci est vrai au sein même de la Commission européenne mais également au niveau intergouvernemental où des synergies manquent cruellement entre l’Agence européenne de défense et l’Agence spatiale européenne. Il reste à espérer que le transfert de certains éléments constitutifs du programme MUSIS vers l’AED et l’OCCAR, ainsi que la récente volonté de jonction des efforts (cf. Workshop on Critical Space Technologies) conduits par l’AED, ASE et la Commission européenne pour le développement des technologies spatiales critiques (sans outre formalisation) puissent constituer els catalyseurs d’une vision plus cohérente.

mercredi 24 décembre 2008

Quelle place pour la Belgique dans le spatial européen?

C’est l’édition de ce mardi 23 décembre de La Libre Belgique qui l’annonce, la Ministre de la Politique scientifique, Sabine Laruelle, entend débloquer une enveloppe de 193 millions d’euros pour les cinq prochaines années au profit du secteur spatial belge. Cette nouvelle est particulièrement rassurante dans un contexte de crise économique doublé – une particularité belge – d’une crise institutionnelle.

Il est vrai que, à l’exception des milieux directement concernés par ce secteur d’activité, peu d’insistance semble habituellement placée sur le rôle spécifique de la Belgique dans le secteur spatial européen. Notre pays y compte pourtant comme l’une des principales chevilles ouvrières. Ceci pour plusieurs raisons.

D’une part, la Belgique a su développer des compétences de pointe dans des niches technologiques très délimitées mais néanmoins stratégiques. Au point qu’un responsable français auprès des instances européennes m’avait précisé, voici quelques mois, que dans ce domaine les Belges avaient su jouer une carte gagnante puisque pratiquement aucun programme spatial majeur de niveau européen ne pouvait se faire sans qu’une entreprise belge ne participe à son élaboration.

Une seconde raison qui explique le rang particulier de notre pays dans le paysage européen du spatial tient à la typicité de notre structure institutionnelle et politique. Contrairement à d’autres pays, la Belgique n’a jamais disposé – et n’a jamais souhaité disposer (en tous cas jusqu’il y a peu) – d’une Agence spatiale “fédérale”; l’Agence spatiale européenne étant censée jouer ce rôle pour notre pays. L’orientation de notre politique spatiale est donc “résolument” européenne; ce qui a pour mérite d’éviter bien des tergiversations sur les finalités politiques des programmes auxquels nous participons. Surtout, la focalisation sur l’objectif européen permet à nos instances de dépasser les querelles communautaires qui si elles devaient “polluer” le débat spatial dans notre pays viendraient à impacter sur notre aptitude à nous positionner comme acteur européen incontournable.

Ceci étant, le tissu spatial belge comporte quelques faiblesse et reste soumis à des interrogations quant à son avenir à long terme. On peut, ainsi, s’interroger sur la viabilité à long terme d’un cadre institutionnel qui, bien qu’il soit parvenu à assurer la continuité de la politique spatiale de notre pays dans les grandes enceintes, peut, à tout instant, risquer de sombrer dans des fractures socio-politiques qui, à dire vrai, n’ont que peu ou prou de rapport avec le domaine spatial. En effet, la politique spatiale de la Belgique est basée sur une fragile équilibre (qui semble tout de même avoir fait ses preuves) découlant de la loi spéciale de réforme institutionnelle du 8 août 1980 qui, en substance, indique que même si les compétences dans le domaine de la recherche et des sciences relève des communautés et des régions, les secteur spatial est, pour sa part, dépendant du fédéral; un gage d’unité, donc.

Sur le plan industriel, force est de constater que la composition de notre tissu d’entreprises, tant au nord qu’au sud du pays, est tout à fait spécifique et résulte, pour une large part, de l’histoire institutionnelle de notre Etat. Par ailleurs, les industries belges investies dans le domaine spatial n’ont jamais fait de ce terrain d’application un secteur d’activité exclusif compte tenu des coûts de développement et des risques élevés propres à ce type d’activités. Nos industriels rencontrent, enfin, quelques difficultés à faire entendre leurs voix auprès des grands entrepreneurs spatiaux. Toute nouvelle perspective de reconsolidation de la base industrielle et technologique européenne dans le domaine aérospatial est porteuse d’incertitudes. Cela est encore plus vrai pour les entreprises de notre pays.

La Libre Belgique a donc mille fois raisons de faire l’éloge de notre volonté d’investissement dans ce secteur. Ce que le quotidien ne dit pas c’est que cette décision fait suite à de multiples incertitudes qui avaient fini par germé il y a quelques mois au sujet du maintien du rang de la Belgique parmi les contributeurs de l’ESA.

La Belgique a, en effet, manqué de peu d’être reléguée au-delà de la cinquième place qu’elle occupe traditionnellement dans le classement des contributeurs de l’ESA. Un montant de 25 millions d’euros manquait encore tout récemment à l’appel pour combler la différence qui existait alors entre les crédits d’engagement (142 millions d’euros) et les crédits de paiement (117 millions d’euros). La question qui se posait alors était de savoir si les régions accepteraient de contribuer financièrement à combler cette différence. Sans doute, davantage d’informations filtreront-elles dans les prochains jours à propos de cette opération de sauvetage de notre secteur spatial. Il est cependant une certitude : ce genre de tergiversations risque de s’avérer à l’avenir beaucoup plus risquée pour le maintien de notre position eu égard à l’arrivée des nouveaux entrants au sein de l’ESA.

mercredi 17 décembre 2008

Nouvelle parution du RMES! Les opérations militaires en zones urbaines : paradigmes, stratégies et enjeux, Bruxelles, Bruylant, coll. RMES, 2008.

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Quel n’est pas mon plaisir de vous annoncer la parution de notre nouvel ouvrage aux éditions Bruylant (Bruxelles) qui porte sur un sujet somme toute d’actualité puisqu’il traite des opérations militaires en zones urbaines.

Fruit d’une collaboration passionnée de plusieurs auteurs (membres ou non membres du RMES), admirablement coordonnée par Tanguy Struye de Swielande, ce nouvel ensemble d’analyses stratégiques vous permettra de parcourir les différents volets, aspects et questionnements posés par le développement des théâtres d’opérations en zones bâties.

Voici, en guise d’avant-goût, le sommaire du bouquin.

Introduction

PARTIE I : Approche générale

Chapitre 1 : Quelques facteurs d’influence de la géographie sur le combat urbain – Joseph Henrotin

Chapitre 2 : Pensée stratégique classique et combat urbain : introduction à l’historiographie d’un combat rejeté – Joseph Henrotin

Chapitre 3 : Zones grises et guérilla urbaine – Tanguy Struye de Swielande

Chapitre 4 : A l’assaut des cités. Théories et doctrines occidentales du combat urbain offensif – Joseph Henrotin

Partie II : Aspects techniques

Chapitre 5 : L’adaptation à l’asymétrie des moyens en milieu urbain : Un défi technologique et sociétal continu – Tanguy Struye de Swielande

Chapitre 6 : Le soldat face à l’identité et la culture de l’autre – Tanguy Struye de Swielande

Chapitre 7 : Nouveaux théâtres, nouvelles missions ? Les opérations de paix au sein des populations – Galia Glume

Chapitre 8: Des aigles contre des musaraignes. Déterminants, concepts et emploi de la puissance aérienne en combat urbain – Joseph Henrotin

Chapitre 9: Robotique et opérations militaires en milieu urbain – Alain De Neve

Partie III: Cas d’application

Chapitre 10 : Le processus israélien d’adaptation à la guerre urbaine : un modèle ? – Joseph Henrotin

Chapitre 11 : De Beyrouth à Gaza. L’expérience israélienne du combat urbain – Joseph Henrotin

Chapitre 12 : Belgique et guerre urbaine – André Dumoulin

Chapitre 13 : La contre-insurrection au sein des forces armées américaines en Irak : une doctrine « dans le feu des combats » (printemps-été 2003) ? – Stéphane Taillat

Chapitre 14 : La contre-insurrection en Irak : entre procédures informelles et formalisation doctrinale (2004-2007) – Stéphane Taillat

Chapitre 15 : Grozny la terrible. L’expérience russe du combat urbain – Joseph Henrotin

Conclusion générale

mercredi 5 novembre 2008

Etonnante Amérique !

"Si jamais quelqu'un doute encore que l'Amérique est un endroit où tout est possible, se demande si le rêve de nos pères fondateurs est toujours vivant, doute encore du pouvoir de notre démocratie, la réponse lui est donnée ce soir", a fait valoir le 44e président des Etats-Unis, devant 65 000 personnes.

Ce matin, à mon réveil, avant même de connaître les dernières nouvelles de l’actualité mondiale, je savais que le visage du monde ne serait plus semblable ce qu’il était hier… J’avais la conviction qu’une mutation – peut-être sans précédent – était sur le point de se produire. Je sais, je n’étais pas le seul à ressentir ce sentiment peu original... Les élections américaines mettaient face à face, au final, deux candidats du changement (expression devenue désormais à la mode). L’un incarnait la possibilité d’un retour des Démocrates à la Maison Blanche, l’autre promettait, tout républicain qu’il soit, une rupture par rapport aux années Bush, années fortement contestées du fait de l’empreinte particulière de l’Amérique sur le monde depuis les 8 dernières années.

Mais j’étais loin d’imaginer que l’Amérique puisse à se point créer un sursaut dans des temps aussi difficiles sur tous les tableaux, qu’ils soient international, économique, financier, culturel, politique et géopolitique. L’Amérique, quoi qu’en disent certains experts avisés et, je n’en doute pas, éminemment compétents, l’Amérique, donc, a une fois de plus fait preuve d’une étonnante vivacité; vivacité couplée à une réconciliation avec les passages les plus sombres de son histoire. Il ne s’agit pas ici de juger, a priori, le programme de l’un ou l’autre candidat. Chaque homme politique est avant tout jugé sur ses actes, sur la manière dont il sera parvenu, à terme, à utiliser la faible marge de manœuvre que les forces profondes de l’Histoire et de l’actuelle mondialisation lui aura imposées. Mais je reste convaincu – et les événements politiques de ces dernières 24 heures l’auront prouvé, que les Etats-Unis sont et demeureront une puissance avec laquelle le monde devra encore compter pendant longtemps. Le 21ème siècle sera, je le pense, un siècle encore et toujours américain. Mais différemment.

Bien sûr, les défis sont d’une ampleur extraordinaire. Bien sûr, les nouveaux pôles de puissance géopolitique que sont la Chine, la Russie, l’Inde, pour ne citer que ceux-là, influeront de manière beaucoup plus déterminante qu’auparavant l’avenir des relations internationales et des rapports économiques. Mais non, je ne pense pas que les rapports de force entre les Etats puissent être réduits à un système quelque peu simpliste de vases communiquant. L’accroissement de force d’un Etat ne génère pas obligatoirement la décadence d’un autre Etat. Ceci nous amène donc à une conclusion essentielle, qui, sans doute, se détache quelque peu de l’actualité immédiate. Cette conclusion est la suivante : les forces profondes qui ont guidé le monde et sur lesquelles les Etats ont cherché à imprimer leurs marques, ces forces profondes se révéleront encore plus puissantes demain, car alimentées par des vagues de renouveau. L’Europe, pour sa part, même si elle a pu démontrer une réactivité politique avec laquelle nous avons été peu coutumiers durant la crise financière, souffre de l’absence d’une telle vague de renouveau.

Ce renouveau européen doit être engagé très rapidement, mais aussi – et paradoxalement – sereinement. L’Amérique qui a vu le jour ce 5 novembre est en rupture complète avec l’Amérique du XXème siècle. Le relationnel transatlantique sera forcément différent car la Maison Blanche accueillera désormais un Président dont les racines lointaines ne sont plus européennes. Certes, le changement, on le sait, se produit toujours à la marge. Il n’empêche que les Européens devront compter avec une expression quelque peu différente de la puissance américaine.

Ce commentaire que je sais à chaud et éparpillé pourrait constituer la base d’une réflexion plus amples et plus construite. Commençons là dès à présent…

dimanche 12 octobre 2008

Colloque "Quelle politique de sécurité et de défense pour l'Europe ? Les enjeux de la présidence française de l'UE" (20 octobre 2008 à Bruxelles, Ecole Royale Militaire)

Le Club Participation & Progrès, en collaboration avec le RMES et l’Ecole Royale Militaire organise, en date du 20 octobre prochain, un colloque sur le thème "Quelle politique de sécurité et de défense pour l'Europe ? Les enjeux de la présidence française de l'UE". L’événement se tiendra au Centre de Conférence de l’Ecole Royale Militaire (entrée par la rue Hobbema à 1000 Bruxelles) entre 09.00 et 18.00.

La participation est gratuite mais une inscription préalable est obligatoire.

Durant cette journée, plusieurs membres du RMES s’exprimeront sur la thématique: André Dumoulin, Joseph Henrotin et moi-même.

Vous pouvez consulter le programme en cliquant ici. Un bulletin d’inscription peut être obtenu en cliquant sur ce lien.

Pour tout renseignement complémentaire, prière d’adresser un message à Club.Participation-Progres@wanadoo.fr.

dimanche 28 septembre 2008

Nouvel ouvrage de Joseph Henrotin

Confrère et ami depuis maintenant huit ans, Joseph Henrotin publie dans un ouvrage de 226 pages (et croyez-moi, pour condenser sa pensée en seulement 226 pages, il a du se faire violence !) les résultats de sa recherche doctorale, défendue brillamment l’année dernière à l’Université libre de Bruxelles.

En voici le millésime : La technologie militaire en question. Le cas américain, Paris, Economica, coll. Stratégies et doctrines, 2008, 226 pages.

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Quatrième de couverture :

Si il existe, depuis l’aube de l’humanité, une technologie militaire, cette dernière n’est plus uniquement, de nos jours, un outil au service des combattants. Mal gérée, elle peut aussi imposer des contraintes directes à la tactique, à la stratégie comme à la politique. Plutôt que d’augmenter la liberté des décideurs, elle pourrait la réduire. Elle peut même brouiller notre vision de l’adversaire comme du combat et ne faire voire d’eux que ce que l’on voudrait bien en voir : des capacités évacuant, paradoxalement, la stratégie de l’art de la guerre.
En ce sens, la technologie peut devenir une idéologie en soi, qualifiée ici de « technologisation ». On le devine, une telle évolution est néfaste. En examinant le cas américain – variablement imité en Europe – l’auteur analyse ici les travers comme les origines d’une conception où la technologie serait trop prégnante dans les débats comme dans l’action stratégique. Mais il ouvre également la voie à des solutions et en appelle, en particulier, à un retour aux élémentaires de la stratégie.

L’Arctique: nouvelle Méditerranée?

Preuve que certains de nos députés (et, croyez-bien qu’ils sont nombreux) s’affairent aussi sur les dossiers internationaux (même si ce type de sujet semble moins médiatisé que les dissensions communautaires de notre pays), plusieurs questions parlementaires m’ont été transmises qui ont pour objet l’évolution de la situation dans l’Arctique et les enjeux stratégiques émergents dans la région.

Avertissement : Les éléments de réponse qui figurent ci-dessous reprennent les informations “synthétiques” que j’ai transmises pour traitement. Elles découlent des analyses conduites par quelques experts de la question. Les réponses qui seront fournies par les services intermédiaires à nos parlementaires ne reprendront sans doute pas, avec exactitude, le contenu qui y figure.

Quelles sont les nouvelles routes maritimes qui se développeront autour du pôle Nord ?

Deux routes maritimes se développeront dans la région du pôle Nord (Figure 1 : carte des nouvelles routes du Grand Nord)

    1. le passage du Nord Ouest (au Nord du Canada), qui fut pour la première fois dans l’Histoire ouvert à la navigation maritime en date du 21 août 2007.
    2. La route des mers septentrionales (au Nord de l’Eurasie)

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Figure 1 : le passage du Nord Ouest

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Figure 2 : le passage du Nord Ouest (en rouge) et le passage par le Canal de Panama (en vert)

Seule inconnue (ou incertitude) : le temps et l’intensité future de la déglaciation. D’après des études récentes, on a assisté entre 1978 et 1996 à une diminution estivale de 17,6% de la calotte glacière tous les dix ans au niveau de la Mer de Barents et de la Mer de Kara. Cette diminution est de l’ordre de 3,7% pour les Mers de Chukchi, de Sibérie orientale et de Laptev. Entre 1978 et 1998, une réduction de 40% de la densité de glace de la calotte polaire a été observée.

Les plus récentes analyses sur l’évolution de la réduction de la calotte polaire divergent. Ceci en raison de la complexité des facteurs qui participent à la déglaciation (réchauffement global, quantités, périodisation et effets des précipitations). Toutes s’accordent cependant sur la perspective d’une diminution de la calotte glacière. L’hypothèse d’un maintien de la masse glacière arctique est écartée. Le scénario du pire est une disparition complète de la couverture glacière du pôle Nord entre 2040 et 2060. Ce qui ferait de l’Arctique une nouvelle mer intérieure située, qui plus est, entre les principales puissances de la planète (à l’instar de la Méditerranée durant l’âge d’or européen).

L’exploitation de ces routes est problématique. D’importants problèmes de sécurité liés à la dérive des glaces (icebergs de plusieurs kilomètres) risquent d’affecter l’exploitation économique (pêche, transport maritime, exploitation des gisements pétroliers et gaziers). Ces icebergs pourraient également endommager les infrastructures portuaires des régions riveraines existantes ou projetées.

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Figure 3 : carte des nouvelles routes du Grand Nord

Quelles sont les postures exactes des Etats riverains vis-à-vis de l’ouverture des passages du Grand Nord ? Quelles sont les prétentions de ces Etats sur ses routes ? Quelles sont les revendications territoriales relatives aux plateaux continentaux ?

Russie :

La Russie considère l’Arctique comme une réserve naturelle légitime.

Elle entend démontrer l’appartenance de la dorsale de Lomonosov au plateau continental russe (cf. expédition du mois de juillet 2007 d’un sous-marin de poche avec deux membres de la Douma à son bord).

Intérêt stratégique évident. Proviennent de l’Arctique :

a. 90% de son gaz

b. 60% de son pétrole

c. 90% du nickel et du cobalt

d. 60% du cuivre

e. 98% des métaux de platine

En outre, les estimations relatives aux réserves énergétiques non-découvertes en Arctique équivaudraient à 375 milliards de barils (pour info, les estimations relatives aux réserves restantes de l’Arabie saoudite s’élèvent à 261 milliards de barils).

Projet initié par Gazprom et LUKoil pour le développement de brise-glaces à propulsion nucléaire.

La Russie entend redéposer en 2009 une demande de reconnaissance de la souveraineté russe sur la dorsale de Lomonosov auprès des Nations Unies au niveau de la Commission des limites du plateau continental.

Etats-Unis:

Les Etats-Unis manifestent un intérêt marqué pour l’Arctique, notamment dans ses aspects stratégiques et militaires (impact de la déglaciation arctique sur sa stratégie navale).

Les Etats-Unis ont refusé de ratifier la convention de Montego Bay (tandis que la Russie a procédé à sa ratification en 1997). Conséquence : cette non-ratification empêche les Etats-Unis de faire valoir leurs prétentions sur la zone se situant à quelque 600 km des côtes de l’Alaska.

Envoi d’une patrouille des U.S Coast Guards en date du 6 août 2007 (au lendemain de l’expédition russe) pour une durée de quatre semaines aux abords du pôle Nord.

L’U.S. Navy a organisé en 2001 et 2007 deux colloques sur les conséquences de la déglaciation polaire (cf. sources bibliographiques).

Canada :

Prétentions canadiennes sur le passage du Grand Nord affirmées depuis 1946. Selon les autorités de l’époque, une large part de l’Arctique appartiendrait au Canada.

Ottawa rejette donc les prétentions de Moscou.

La souveraineté canadienne dans l’Arctique a été réaffirmée en juillet 2007 par le Premier ministre Stephen Harper.

Le Canada a organisé plusieurs exercices militaires dans le Grand Nord et en Arctique. Il prévoit la construction d’un port en eaux profondes à Nanisivik. Six à sept navires de patrouilles spécifiquement conçus pour le contrôle de ce que le Canada considère comme ses mers intérieures est prévu (budget estimé à 7 milliards de dollars sur 25 ans).

Danemark :

Danemark en opposition avec la Russie concernant la souveraineté sur la dorsale de Lomonosov qu’elle considère comme liée au Groenland.

Un budget de 25 millions de dollars a été engagé en 2004 pour financer des recherches géologiques destinées à apporter la preuve scientifique du rattachement du Groenland à la dorsale de Lomonosov.

Selon des informations récentes, le Danemark aurait bon espoir d’obtenir satisfaction à des demandes.

Quels sont les conflits potentiels pouvant résulter de l’ouverture des nouvelles voies de passage du Grand Nord ?

Avant tout, il est important de considérer que la navigation, l’exploitation économique de ces passages sera particulièrement risquée en raison de la dérive des masses glacières résultant de la fonte de la calotte polaire. Toute hypothèse de conflit nous projette, dès lors, si nous suivons le scénario du pire, à une date au-delà de 2040.

Néanmoins, des disputes existent d’ores et déjà ou se révéleront plus prégnantes dans les années à venir. Elles concernent : le passage du Grand Nord (aucun Etat ne reconnaît au Canada la souveraineté qu’elle prétend être en droit d’exercer sur cette zone), l’île de Hans (Canada vs Norvège), Mer de Barents (Norvège vs Russie mais accord partiel conclu en 2007), le Spitzberg (Russie vs Norvège, non réglé), le Détroit de Béring (Etats-Unis vs Russie, accord intervenu en juin 1990 mais non-ratifié par les deux protagonistes).

Quelles sont les bases et activités militaires dans la région ?

Russie:

En juillet 2007, la flotte russe du Nord a procédé à des exercices de grand envergure (avec tirs réels depuis les navires de surfaces, aéronefs de l’aéronavale et de l’infanterie de marine). Les forces armées russes procèdent également au test de missiles en conditions polaires.

On note également le survol opéré par des bombardiers à long rayon d’action SU-24.

On ajoute également un accroissement des activités des bases militaires russes de Tiksi, Vorkuta et Anadyr.

Etats-Unis:

Les Etats-Unis envisagent l’adaptation de leurs capacités militaires aux conditions arctiques (dans le cadre d’une zone arctique dépourvue de glaces).

Objectifs : tester la résistance et l’opérabilité des systèmes d’armes (existants et futurs) dans des conditions de froid extrêmes ; tester l’opérationnalité des dispositifs de communications et de radionavigation dans des latitudes élevées ; anticipation des modèles de prévision des conditions climatiques et atmosphériques dans un environnement dynamique – développement de plates-formes militaires (aériennes et navales) adaptées aux conditions d’évolution en milieu arctique[1].

Sources bibliographiques principales

Naval operations in an Ice-free Arctic Symposium, 17 – 18 April 2001, Final report, Office of Naval Research, National (previouslu known as “Naval”) Ice Center, Oceanographer of the Navy and the Arctic Research Commission, 2001.

DUFOUR, J., « L’Arctique, un espace convoité : la militarisation du Nord canadien », Géopolitique et militarisation du Grand Nord Canadien (1ère partie), Mondialisation.ca, 26 juillet 2007, cf. http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=6404.

RENARD, T., "Climate Change and International Security: Understanding a Complex Relationship in Order to Forecast Future Conflicts (2007-2030)", Report for the Assistant Chief of Staff Strategy, Belgian Armed Forces, July 31, 2007

SMITH, M. A. & GILES, K., The Last Dash North, Advanced Research and Assessment Group, Defence Academy of the United Kingdom, Russian Series, 07/26, September 2007.


[1] Il est raisonnable de penser que des investissements croissants seront consentis aux recherches scientifiques dans le domaine des matériaux et de l’amélioration de leur résistance et invariance aux conditions climatiques. Les nanosciences et les nanotechnologies seront, très certainement, l’un des principaux fers de lance de ces recherches.