jeudi 21 août 2008

A propos des 10 soldats français tués en Afghanistan

Tout d'abord, je suis d'accord avec Olivier Kempf qui, dans un billet récent, rappelait que l'heure était avant tout au recueillement. Mes pensées vont tout d'abord à ces 10 soldats et à leurs familles.

LCI faisait à l'instant apparaître les photos des soldats tombés au combat. Même s'il s'agit d'une structure d'âge "classique" et "normale" pour des troupes d'infanterie en opération, je dois bien avouer que la jeunesse de ces visages m'a frappé. Je sais que les impératifs de préparation des troupes reposent sur l'envoi d'une tranche d'âge spécifique. Il n'en demeure pas moins que l'on est touché par les images de ces jeunes hommes tout juste sortis de l'adolescence.

S'il convient de ne pas verser dans des polémiques, il est cependant un exercice plus constructif de poser les questions à propos desquelles nous devrons trouver impérativement des réponses. Il ne s'agit pas de nous précipiter dans la brèche ouverte par la douleur provoquée par ce drame pour entreprendre, de façon illusoire, un réexamen - voire une mise à plat complète - de la stratégie de l'OTAN en Afghanistan et des participations nationales aux opérations. Non, il faudra nécessairement prendre le temps. Et sans doute dépasser les explications techniques - quasi-chirurgicales - qui, même si elles viendront détailler les circonstances du drame, ne permettront pas une réflexion sereine sur les fondements de notre présence dans la région.

Je ne prétends ABSOLUMENT pas avoir de réponses à ces interrogations. Les résoudre exigera des compétences que nul ne saurait posséder à titre individuel. Mais sans doute sera-t-il utile de défricher quelques lieux communs qui ont trop longtemps été sous-investis par le débat public:

1. Défendons-nous la "liberté du monde" dans cette région ou demeurons-nous dans cet espace au nom d'un intérêt de réputation?

2. La stratégie de l'OTAN est-elle adaptée à la situation sur le terrain? Les récentes offensives coordonnées des Talibans imposent que nous procédions à un examen scrupuleux de la question.

Et enfin, deux dernières questions dont il me faudra préciser la portée même si je sens intuitivement qu'il y a là une distinction fondamentale à prendre en compte :

3. Avons-nous perdu en Afghanistan?

4. Avons-nous perdu l'Afghanistan?

Je terminerai par une question finale qui se veut un retour aux fondements de la Stratégie: existe-t-il des guerres que nous, Occidentaux, devons être capables de perdre afin de déterminer les stratégies et les moyens régénérés qui nous permettront à plus long terme de mieux encore défendre nos libertés? Disposons-nous de la sérénité d'esprit suffisante que pour percevoir les signes d'une défaite?

Je sais les arguments qui pourraient être opposés à ces interrogations. J'entends déjà quelques voix s'élever pour indiquer que jamais une telle polémique et de semblables cérémonies n'auraient eu cours à l'époque de la guerre d'Algérie (pour reprendre un épisode de l'histoire militaire française). Mais voilà, l'investissement émotionnel qui s'opère sur ces 10 soldats est le résultat d'une évolution sociale et culturelle avec laquelle nous devons compter et qu'il serait vain d'ignorer tant elle répond à des forces et des mutations profondes du régime de valeurs que nous accordons à la vie individuelle (pour ce débat, voyez cet article pour l'élaboration duquel Christophe Wasinski et moi-même avons été consultés).

Si je vais trop vite en besogne en posant ces questions, n'hésitez pas à me le faire savoir. Mais il me fallait les livrer et les écrire.

2 commentaires:

  1. Excellentes questions, cela ne fait aucun doute. N'hésitez pas à nous livrer vos propositions de réponse dans les semaines à venir.

    Par ailleurs, très bon blog, vos analyses sont documentées, intelligentes et équilibrées. Continuez comme ça !

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  2. Merci beaucoup pour vos encouragements !

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